Nabil Chettaoui, PDG de l’OACA : « Un nouveau terminal charter à Tunis-Carthage pour l’été 2006 »
15 janvier 2006Tour d’horizon de la situation des aéroports tunisiens dans leur gestion du trafic aérien et touristique avec le président-directeur général de l’Office de l’aviation civile et des aéroports (OACA).
Quelles ont été les réalisations des aéroports tunisiens en 2005 ?
Pour la première fois, les aéroports tunisiens ont passé la barre des 10 millions de passagers, sachant que la croissance du trafic est intimement liée à l’activité touristique. Pour la première fois également, un aéroport dépasse la barre des 4 millions de passagers, en l’occurrence celui de Monastir en novembre et l’année s’est terminée à 4,1 millions (alors que sa capacité nominale est de 3,5 millions.)
2005 a donc été une année faste avec ces deux records. L’OACA doit aujourd’hui revoir sa vision, mettre en place les mécanismes adéquats pour ne pas qu’il ait détérioration de la qualité des services. C’est très important pour nous, il ne suffit pas de réaliser des records, d’empiler les passagers. Il faut soutenir la croissance du trafic mais également leur offrir les meilleures conditions de transit par nos aéroports.
Il serait question d’exploiter prochainement le terminal du Hadj en terminal charter à l’aéroport Tunis –Carthage. Pourquoi ce choix ?
Ce choix s’inscrit dans l’adaptation continue de l’infrastructure aéroportuaire aux besoins du trafic aérien. Nous avons observé durant les périodes de pointes une certaine saturation des capacités et que la régularité des vols et la qualité des services dans un aéroport comme celui de Monastir étaient nettement meilleures, tout simplement parce que c’est un aéroport essentiellement charter. L’ensemble des prestataires, publics et privés, y assure des temps de transit très performants malgré la saturation des infrastructures.
Au contraire, Tunis-Carthage souffre énormément parce que le trafic passager régulier a ses contraintes (arrivées éparpillées, tardives etc.). Pour atténuer les désagréments durant les pointes, nous avons décidé de procéder à la séparation des flux. Tout de suite est venue l’idée d’exploiter le module déjà existant, à savoir celui du Hadj, sous-exploité puisqu’utilisé uniquement durant les périodes de pèlerinage, pour en faire un terminal spécialisé dans le charter.
Nous avons étudié avec la tutelle la structure et la structure et la capacité et nous en avons déduit que tel qu’il se présente actuellement, il ne peut pas offrir le complément que nous souhaitons. Sur instructions présidentielles, nous allons aménager l’aérogare pour une capacité de 500.000 passagers par an, qui correspond au nombre de passagers charter traités en moyenne jusqu’à présent par l’aéroport Tunis-Carthage.
Tel qu’il se présente, l’aérogare du Hadj ne peut subvenir aux besoins. Nous avons donc décidé de rajouter un deuxième module relié par un hall public où nous allons regrouper l’ensemble des services hors douanes, (c’est-à-dire cafés, banques, location de voitures…
L’ancien module sera réservé à l’arrivée et le nouveau dédié aux départs tout simplement parce que le temps de transit d’un touriste est très rapide (et doit l’être de toute façon). Par contre, pour le départ, avec les aléas actuels du transport aérien, les retards etc., le temps de séjour dans l’enceinte aéroportuaire est beaucoup plus important.
Cette capacité est suffisante avec l’étalement du trafic charter à Tunis mais insuffisante lors des pointes (où l’on peut avoir 5 ou 6 avions en même temps). Bien-sur, l’ancienne aérogare continuera aussi d’accueillir une partie du trafic charter seulement durant les pointes. Volontairement, nous n’avons pas choisi de faire une aérogare, par exemple de 1 million de passagers, pour minimiser l’investissement. Son entrée en exploitation est programmée pour l’été 2006. Certaines compagnies aériennes y basculeront, d’autres feront le choix de ne pas y aller pour rester sur un seul terminal.
La saison du Hadj remonte progressivement dans le temps et dans quelques années, elle coïncidera, au moins pendant quatre ans, avec le mois d’août, période de pointe pour le tourisme. Avez-vous déjà pris en considération ce facteur ?
Nous y avons bien-sur pensé. Ce qui est certain, c’est que quand le Hadj correspondra avec la pointe, me charter reviendra vers le terminal principal.
Il ne sera pas possible de traiter un vol charter avec un vol de pèlerinage, non pas à cause des passagers mais à cause des accompagnants qui risquent de saturer l’accès. Il y a de toute façon une réflexion sur l’accès avec le ministère de l’Equipement pour fluidifier à la fois de transit par l’Avenue Yasser Arafat et améliorer l’accès au nouveau terminal.
Ce que nous constatons pour le pèlerinage, au niveau des départs, c’est que le temps d’accompagnement est raisonnable mais c’est à l’arrivée que cela se complique puisqu’il y a des fois jusqu’à 100 personnes pour recevoir 1 pèlerin. Nous avons pris des mesures pour les arrivées du dimanche en ouvrant le parking fret, mais ce n’est pas possible de le faire en semaine lorsqu’il ya une activité économique.
Pour rester à Tunis-Carthage, quels sont les nouveaux axes de développement de l’aéroport ?
Le 7 octobre dernier, le conseil ministériel consacré à l’infrastructure portuaire et aéroportuaire dans le pays a décidé, dans le cadre du programme présidentiel, de faire de l’aéroport de Tunis-Carthage un aéroport de transit. Il a donc été décidé d’entreprendre les aménagements nécessaires pour faire de Tunis un hub régional. C’est une décision très importante qui constitue un changement au niveau de la vision des aéroports tunisiens depuis l’Indépendance.
Les aéroports tunisiens ont toujours été des aéroports de point à point et le trafic de transit y est quasi-nul. Le seul transit observé est pour les vols intérieurs.
Depuis quelques années et avec le développement des liaisons aériennes avec l’Afrique, notamment l’ouverture de Bamako et Abidjan, de plus en plus, on observe un développement du trafic en transit. Il y a aussi une demande vers le Moyen Orient et vers l’Europe. Il ne faut pas oublier que Tunisair est la compagnie africaine qui a le meilleur réseau européen. Le développement d’un hub doit s’appuyer sur une compagnie aérienne et c’est la compagnie nationale qui est la mieux placée pour développer ce hub grâce à la densité de son réseau.
Dans cette vision, l’infrastructure de l’aéroport va s’adapter pour accompagner ce développement.
Concrètement, il va y avoir les extensions et les aménagements nécessaires pour offrir aux passagers en transit toutes les commodités et les circuits nécessaires qu’un aéroport est tenu d’offrir pour des transits allant de 1 à 12 heures. Ce qu’il manque actuellement, c’est justement des endroits de repos pour les longs séjours dans l’aéroport et aussi les circuits entre départs et arrivées qui permettent un transit rapide entre les différentes zones de l’aéroport ; ce sera l’une des premières missions de l’office en 2006.
Sachant que la Tunisie est une destination touristique de famille notamment, nous constatons qu’il n’existe quasiment aucune infrastructure ni prestations dans ce sens. Concrètement, les mères de famille n’ont pas d’espaces ou changer leurs bébés, il n’y a aucun espace de jeux pour les enfants et à l’arrivée, il n’a pas été prévu par exemple une file d’attente exclusive pour les familles etc.
Dans la vision actuelle de l’aviation civile et eu égard à la nature du trafic de point à point (2/3 de touristes et le reste étant : 50 % des TRE et 50% des Tunisiens résidents) ; le temps de passage dans l’aéroport doit être minimum : 1h30 au départ et 45 minimum : 1h30 au départ et 45 minutes à l’arrivée (normes internationales). Durant le SMSI, nous avons fait même mieux que cela. Dans notre vision jusqu’à présent, on ne cherchait pas à développer des aires pour les enfants par exemple. Mais dans notre nouvelle vision de hub, il y aura les compléments indispensables à faire patienter les passagers à Tunis-Carthage uniquement. Les autres aéroports continueront à être des plates formes touristiques.
Pour les files réservées c’est faisable mais cela n’as jamais été observé dans les aéroports dans le monde. Ce qui est observé par contre, ce sont les séparations par nationalité parce que les modalités de contrôle ne sont pas les mêmes. Pour les familles, c’est beaucoup plus une question de civisme de la part des autres passagers.
Pour les handicapés par exemple, des espaces spéciaux ont été aménagés (circuit spécial, toilettes, taxiphones adaptés etc.).
Plusieurs professionnels du tourisme, notamment les agents de voyages, ont fait remarquer que les prix de location des box dans les aéroports, notamment Tozeur et Tabarka, étaient excessifs. Le fait est que la majorité e ces box est aujourd’hui fermée. N’avez-vous pas pour projet de revoir à la baisse vos tarifs ?
Ce qu’il faut rappeler, c’est que les aéroports de Tozeur, Tabarka et Gafsa, viennent de bénéficier pour la troisième fois consécutive de l’exonération de l’ensemble des redevances aéronautiques, mesure présidentielle qui est venue encore une fois s’ajouter aux mesures prises pour dynamiser et développer le trafic aérien dans L’EST tunisien. Cette mesure est à rapprocher avec une autre mesure présidentielle très importante qui est de faire de Tozeur et de Tabarka deux aéroports à ciel ouvert. Autrement dit, les compagnies aériennes du monde entier liées ou non avec la Tunisie par un accord aérien peuvent desservir Tozeur et Tabarka sans accord administratif préalable.
Depuis quelques années, la règle au niveau de l’Office est l’appel à la concurrence, avec un minimum garanti, pour tout box ou tout espace commercial dans nos aéroports (exception faite des compagnies aériennes). Beaucoup d’appels d’offres ont été déclarés infructueux parce les offres ont été jugées insuffisantes.
La réflexion que nous avons engagée est la révision de ce minimum garanti pour les aéroports de Tozeur et de Tabarka. Les prix seront pondérés en fonction de la nature de l’aéroport pour essayer d’occuper les espaces commerciaux qui permettra l’OACA d’avoir des revenus supplémentaires.
L’OACA n’est jamais présente dans les salons touristiques internationaux. Pourtant, la Tunisie dispose d’une infrastructure qui constitue des acquis pour le tourisme. Et qui plus est, la présence de l’OACA sur ces salons pourrait constituer une occasion de communiquer sur le ciel ouvert à Tabarka et Tozeur en direction des premiers concernés, les transporteurs aériens étrangers.
L’office, de par son histoire et ses origines, est un peu une continuation de l’administration qui fait que nous avons une sorte de retenue. Dorénavant, nous sommes appelés à nous ouvrir et à avoir une plus grande visibilité au niveau national et international. C’est à nous, gestionnaires d’aéroports, de faire connaitre notre métier qui est un complément indispensable à l’industrie aéronautique. Il y a énormément de travail à faire et nous en sommes conscients. Autant le diagnostic est posé, autant les solutions devront être mises en place.
L’aéroport de Sfax fait l’objet d’un projet d’extension. Qu’en est-il exactement ?
Jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Sfax était le parent pauvre des aéroports tunisiens. Le président de la République l’a annoncé lors de son discours du 7 novembre dernier, c’est le démarrage des travaux de l’aéroport. Nous allons totalement refaire l’aérogare et bâtir un nouveau terminal d’une capacité de 500.000 passagers. Le chantier est installé et les travaux sont en cours. Ils devront s’achever en 2007.
Propos recueillis par H.H
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