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Location de voitures : « avant la crise du Covid-19, plus de 70% de notre chiffre d’affaires provenaient du tourisme »

Location de voitures : « avant la crise du Covid-19, plus de 70% de notre chiffre d’affaires provenaient du tourisme »

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Etroitement lié à l’activité touristique et à celle du voyage, le secteur de la location de voitures n’a pas échappé à la crise sanitaire.
Habib Maâoui est le président de la CSLV (Chambre syndicale des loueurs de voitures). Il expose la nature des problèmes de saisonnalité rencontrés mais aussi les perspectives du secteur notamment en termes de digitalisation.

Quel a été l’impact économique de la crise sanitaire sur le secteur de la location de voitures ?

La crise s’est faite sentir à partir du mois de mars 2020. Elle a eu des répercussions profondes au niveau socioéconomique et a conduit notre secteur à l’agonie. Nous payons aujourd’hui une facture salée de cette crise avec la fermeture de 33 sociétés à fin décembre 2020 et le licenciement de 1800 employés. Toutefois, le secteur est encore capable de se relever si nous parvenons à réparer les dégâts et à compenser les pertes.

Quel poids les TRE (Tunisiens résidents à l’étranger) ont-ils dans votre business ?

Ils représentent plus de 80% de nos opérations de location, particulièrement l’été passé vu que le nombre de touristes était peu important. C’est vrai qu’il y avait aussi quelques réserves par rapport aux prix considérés comme élevés, mais il faut comprendre que nous travaillons 42 jours seulement pendant la haute saison. En fait, au 25 août, la saison touristique s’achève pour le secteur de la location de voitures. Cette année, la saison a commencé tard, soit après le 25 juillet, vu la situation sanitaire. Réellement, nous n’avons travaillé que 30 jours. Il y a donc eu une forte pression et une forte demande sur les voitures. Pourtant, les prix n’ont pas été augmentés de façon irrationnelle.

Nous avons demandé au ministère du Tourisme de faire bénéficier les loueurs des mêmes mesures d’aide et d’accompagnement que les entreprises touristiques.

Avant la crise du Covid-19, plus de 70% de notre chiffre d’affaires provenaient du tourisme, mais la crise sanitaire a eu des répercussions très graves sur le secteur. Certaines sociétés, qui étaient liées totalement au tourisme et au trafic dans les aéroports, ont dû fermer leurs portes. Les mesures prises par l’Etat lors de cette crise comme la fermeture des frontières et le couvre-feu ont paralysé complètement le secteur. Nous avons demandé au ministère du Tourisme de faire bénéficier les loueurs des mêmes mesures d’aide et d’accompagnement que les entreprises touristiques. Malheureusement, le secteur est lié administrativement au ministère du Transport alors que sur le terrain, nous sommes liés au tourisme. Du coup, nous avons été exclus de ces mesures. Nous nous sommes rendus compte que les loueurs de voitures sont perçus comme des rentiers riches n’ayant pas besoin de l’aide de l’Etat.

Quelle relation vous lie aux agences de voyages ?

Notre relation est liée à la location des voitures des 5 et 6 chevaux et les transferts privatifs car nous sommes classés par le cahier des charges en tant que sociétés autorisées à louer des voitures avec ou sans chauffeur. Les agences de voyages prennent des voitures pour leurs représentants et leurs guides touristiques ou pour les transferts VIP. Cependant, certaines agences de voyages possèdent aujourd’hui leurs propres agences de location de voitures.

Où en êtes-vous de la digitalisation, de la réservation et du paiement en ligne sur vos sites web ?

Nous étions la première chambre syndicale à l’UTICA à organiser en novembre-décembre 2020 une rencontre nationale sur la digitalisation. Nous sommes conscients de l’importance de cet enjeu. Nous ne pouvons pas faire évoluer le secteur sans la digitalisation, ni gagner la confiance des clients. En réalité, chaque société développe de son côté sa propre plateforme permettant au client de commander la voiture qui correspond à ses besoins et de payer en ligne. Et il lui suffit de présenter le voucher pour avoir sa voiture.

Certaines sociétés ne sont pas en phase avec cette démarche mais nous avons essayé d’impliquer des startuppeurs, la Poste tunisienne et les sociétés spécialisées en la matière. Je souligne encore que nous collaborons avec les ambassades, les consulats, les sociétés internationales installées en Tunisie et les usines. Si nous leur disons que nous sommes encore à la traine par rapport au digital, cela posera un problème au niveau de l’image du pays d’abord, mais aussi, le client ne sera pas à l’aise parce que cela signifie un manque de transparence.

Pensez-vous créer une plateforme de réservation regroupant tous les loueurs de voitures ?

Elle est en cours de préparation depuis un an et demi par des compétences tunisiennes. Je regrette que le Sommet de la francophonie ait été reporté parce que nous avons été contactés par la présidence de la République et le ministère du Transport pour participer à la Commission du transport relevant du Comité d’organisation de l’événement. Nous avons préparé une plateforme en un temps record, en 7 jours seulement, grâce au travail de jeunes tunisiens résidents en Tunisie et en Allemagne.

Je regrette que le Sommet de la francophonie ait été reporté

Elle aurait permis aux loueurs d’inscrire leurs voitures avec les tarifs proposés. Ensuite, la commission transport se serait occupée d’effectuer le filtrage selon ses besoins. Nous l’avons mise sur le système du Sommet de la francophonie et nous l’avons testée. Elle aurait dû réussir si le Sommet n’avait pas été reporté.

Le fait d’avoir retiré la plaque bleue des véhicules a-t-il permis de juguler le problème des faux loueurs et de renouer avec une partie de votre clientèle ?    

Le problème de faux loueurs ou du marché parallèle est un grand chantier. Dès que le nouveau bureau a pris en main ses fonctions à la tête de la Chambre syndicale nationale en novembre 2018, l’annulation des plaques bleues a été notre projet principal. Il s’agissait d’un grand challenge parce qu’il y avait plusieurs parties contre ce projet même au sein des loueurs qui ne voulaient pas changer leur manière de travailler.

La plaque bleue était à vrai dire une source de problèmes pour le client

Toutefois, il est important de savoir qu’un Algérien, par exemple, n’accepte pas de louer une voiture avec une plaque bleue. Imaginons donc l’impact sur le marché tunisien si nous prenons en considération son potentiel. La plaque bleue était à vrai dire une source de problèmes pour le client. Côté sécurité, le ministère de l’Intérieur n’a aucun problème à ce niveau-là car il s’engage à contrôler tout type de véhicule sans distinction. En revanche, plusieurs voitures ont fait l’objet d’attaques lors des événements de 2011 parce qu’elles étaient justement des voitures de location.

Après le retrait de la plaque bleue, l’impact a été très positif car nous avons pu freiner l’envahissement du marché parallèle qui détient une flotte de 52.000 voitures. Ces 52.000 voitures causent des pertes annuelles à l’Etat s’élevant à 150 millions de dinars entre vignettes, assurance, frais de douane et impôts, selon une étude que nous avons effectuée. Le potentiel total du marché est donc de 70.000 voitures dont 20.000 paient leurs taxes contre 50.000 qui n’en paient pas.

Propos recueillis par Kemel CHEBBI

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