Mehdi Houas, ministre du Commerce et du Tourisme (part 1): « le sponsoring de l’aérien ne me semble pas être une bonne chose »
16 mars 2011Le moins que l’on puisse dire, c’est que M. Houas est peu avare en paroles quand il s’agit de presse. De l’entretien qu’il nous a accordé, nous avons recompilé les sujets par thème afin d’y voir plus clair dans ses déclarations et ses actions.
Bilan de sa présence à l’ITB Berlin :
« Nous avons eu des entretiens avec des responsables politiques, allemands notamment, le premier avec le secrétaire d’Etat allemand à qui j’ai demandé de faire les efforts nécessaires pour que le ministère allemand des Affaires étrangères allemand enlève l’ensemble des restrictions sur l’ensemble du territoire tunisien parce qu’aujourd’hui, la sécurité est garantie partout. Il m’a dit qu’il le ferait. Je l’ai invité à venir nous voir avant la fin du mois de mars parce que c’est la meilleure façon de montrer aux Allemands que le pays est sécurisé. A l’ITB Berlin, nous avons eu beaucoup de messages de soutien et de sympathie ne serait-ce que lors de la cérémonie d’inauguration du salon. L’ensemble des speakers a réellement rendu un grand hommage aux deux pays ayant réussi la première phase de leur révolution, la Tunisie et l’Egypte ».
Images et amalgames :
« J’ai pris conscience que l’image de la Tunisie est un petit peu brouillée par les différentes images que l’on voit en manière continue notamment sur ce qui se passe en Libye, en Egypte et au Yémen. Nous avons eu la générosité d’exporter notre révolution, notre slogan et notre drapeau, ce qui fait que de temps en temps, nous voyons un drapeau tunisien et un « dégage » avec un drapeau tunisien qui troublent la quiétude de la situation en Tunisie. Cela ressort aussi auprès des tour-opérateurs, qui ont besoin d’une vraie relance marketing forte, et à qui j’ai dit que si nous avions un peu ralenti le processus de communication et la relance de la campagne, c’était juste pour laisser cette image s’éclaircir et enlever un peu le brouillage. On sent aussi une inquiétude sur la situation sécuritaire en Tunisie parce que les images qui sont dans l’inconscient du client sont celles véhiculées il y a une quinzaine de jours (événements survenus sur l’avenue Bourguiba n.d.l.r), alors j’essaye de tempérer en disant qu’il s’est passé deux choses extraordinaires : la première, c’est quand même une manifestation de 30 à 100.000 personnes à la Kasbah sans aucun débordement et la deuxième, ce sont effectivement des débordements d’une bande que l’on peut assimiler à des hooligans ici et qui a conduit à 5 drames et c’est réellement dommage et pénible.
Il y a encore du travail à faire pour changer l’image que l’Allemand a de la Tunisie et c’est pour cela que nous avons multiplié ici les interventions télévisées ou avec la presse internationale. Je crois qu’entre hier et aujourd’hui (à la date de l’interview n.d.l.r), j’ai du faire 17 ou 18 interviews télévisées, partant de CNN jusqu’à Al Jazira et sans doute une trentaine d’interviews papier ».
Les rapports avec les tour-opérateurs :
« Nous avons ressenti également un élan de sympathie au niveau des tour-opérateurs qui relâchent un petit peu la pression. Quand ils sont venus nous voir en Tunisie, c’est vrai qu’ils ont mis beaucoup de pressions pour que l’on débloque pas mal de budget marketing et notamment que l’on fasse comme en Egypte, le sponsoring de l’aérien, ce qui ne me semble pas aujourd’hui être une bonne chose et c’est un axe sur lequel je résiste encore un petit peu».
Les rapports avec l’Egypte :
« On nous met en compétition avec un pays avec lequel on ne peut pas être en compétition qui est l’Egypte parce que nous n’avons pas les mêmes moyens. Notre stand (à l’ITB), moi je le trouve bien et la grande différence, c’est que nous l’avons payé avec notre propre argent. Sur le stand de l’Egypte, il y a du grand et du lourd sponsoring. Tant mieux pour eux, il n’y a pas de jalousie mais je pense que si l’on veut se démarquer, il faut dire que nous sommes complémentaires. Leur saison touristique bat son plein en ce moment et la nôtre va démarrer dans quelques semaines. Mon message a été de dire aux professionnels, SVP, ne vous comparez pas à l’Egypte parce que nous n’avons pas les mêmes moyens, nous n’avons pas la même spécificité. Les efforts que consentent aujourd’hui les Egyptiens sont comparables aux efforts que l’on aurait eu à consentir si l’on avait eu à faire une révolution en mai et qu’on avait souhaité sauver la situation de juillet et août ».
Perspectives de la saison :
« Ce que j’entends de la profession, c’est que nous avons perdu tous les early-booking qui se font en novembre-décembre-janvier-février. Nous avons beaucoup perdu des familles parce que ce sont elles qui réservent le plus tôt. Néanmoins, ils considèrent que si l’on fait un effort conséquent, on va –non pas atteindre les mêmes objectifs que l’année dernière-, mais entre 60 et 80%. C’est l’objectif à atteindre. Nous n’allons pas sauver la saison, ce n’est pas possible, 2011 va être difficile pour tout le monde, mais il faut faire le maximum parce que beaucoup de gens vivent de ce tourisme. Le tourisme, c’est aussi la vitrine visible de la Tunisie. Un hôtel qui est fermé et qui ne marche pas, c’est tout un écosystème qui est en berne. Un hôtel qui vit avec un tourisme conséquent, c’est tout écosystème qui s’épanouit, et c’est notre responsabilité à tous. Il faut certes sauver 2011 mais il ne faut surtout pas hypothéquer 2012, 2013 et 2014. Je ne souhaiterai pas prendre la moindre décision qui mettrait en danger ces années là .
Stratégie 2016 et avenir :
« Dès que j’ai été nommé, la première chose que j’ai faite, c’était de lire les conclusions de l’étude stratégique menée par Roland Berger et le groupe Comet. Ma première impression était de dire que cela avait du sens, c’est-à -dire qu’il y a des décisions qui peuvent être conformes, à première vue, à ce que l’on souhaiterait : monter en gamme, sortir des bas prix, développer du tourisme à thème, rehausser notre qualité de service, occuper l’espace Internet dans lequel on est totalement absent. Je dirais que l’ossature peut être bonne mais entre temps, il s’est passé une révolution, les choses sont complètement différentes. On est passé d’un pays de non-droit à un pays qui a signé toutes les conventions internationales des droits les plus élémentaires, aussi bien des individus que des entreprises, ce qui va changer complètement la façon avec laquelle on va dialoguer avec nos partenaires. Une grande chaîne internationale aurait eu du mal, avant le 14 janvier, à venir en Tunisie parce qu’elle aurait eu à passer par une famille ; une famille qui, en plus d’être mafieuse, a instauré un plafond de verre, c’est-à -dire de gommer toute l’ambition qu’on peut avoir : payer des redevances et se voir couper les ailes. Ce qui me fait croire que cette étude, de mon point de vue, est obsolète. Il faudrait la repenser et repenser le tourisme tunisien».
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