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OLIVIER DE NICOLA, PRESIDENT DE VOYAGES FRAM: «pour faire de la valeur en Tunisie, il faut 4 ans de travail»

OLIVIER DE NICOLA, PRESIDENT DE VOYAGES FRAM: «pour faire de la valeur en Tunisie, il faut 4 ans de travail»

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Le tout nouveau patron du 3e tour-opérateur français s’explique sur « le pavé dans la mare » qu’il a jeté lors de son récent passage à  Tunis et sur les perspectives de l’entreprise sur la destination à  court-terme.

Face à  de nombreux opérateurs touristiques français et tunisiens, vous avez ouvertement défendu le modèle touristique de masse (qui est très décrié côté tunisien) au détriment du tourisme de valeur vers lequel la destination veut se diriger. Qu’est ce qui justifie cette prise de position ?

Le pays avait un positionnement qui était clair pour les distributeurs et pour les clients : la Tunisie, c’était l’entrée de gamme du séjour balnéaire Méditerranée. à‡a a le mérite d’être clair et je pense que cela a fait la réussite de la Tunisie. Et l’ensemble des infrastructures, hôtelières, transport, aéroportuaires, était calibré pour cela. Quand j’entends dire qu’il faut faire de la valeur, je ne dis pas que ce n’est pas bien ou qu’il ne faut pas en faire, je dis qu’aujourd’hui, la Tunisie n’a pas encore les produits, la formation… Tout cela n’a pas été mis en place, et donc, pour faire de la valeur, c’est 4 ans de travail. Combien avez-vous d’hôtels de valeur ? Combien d’hôtels peuvent-ils prétendre à  cela aujourd’hui ? Ce qu’il y a n’est pas suffisant. Je me dis qu’aujourd’hui, si nous ne travaillons que la valeur, les opérateurs touristiques vont mourir dans l’intervalle. Donc, nous avons plus intérêt à  faire du volume et à  travailler pour de la valeur. A un moment donné, la Tunisie, c’était « volume », puis on y a intégré la thalasso, le golf et on a monté les prix et le positionnement. Les opérateurs touristiques doivent vivre et pour cela, il faut des clients, même si pour l’instant, ils ne payent pas super cher.

La deuxième chose, l’intérêt du volume, c’est que le meilleur ambassadeur de la Tunisie, c’est le client qui rentre. Moi je préfère avoir 10.000 clients qui rentrent et qui disent que « c’était vachement bien », qu’en avoir 500, même s’ils ont payé très cher.

Comment le client Fram perçoit-il la Tunisie actuellement ?

Nous, nous sommes passés de 90.000 à  30/35.000 clients sur la Tunisie en 2011, donc, cela a été un drop énorme qui nous a créé des soucis financiers en Tunisie et en Europe puisque c’était notre première destination. Nous sommes donc touchés, mais je pense que la Tunisie revient doucement sur le marché (nous étions à  + 6% à  fin janvier). C’est donc la première fois qu’on commence à  être positif par rapport à  l’année dernière et c’est le moment de concentrer les efforts. Par contre, il faut aller vite car c’est maintenant que l’on fait le pic du booking.

Qu’attendez-vous par exemple comme actions de la part de la destination ?

Première chose, j’aimerais que les ministres (tunisiens ndlr) viennent en France porter un message d’intérêt pour le tourisme et qu’ils disent « les touristes, on vous aime, on a envie de vous, on vous accueille à  bras ouverts, on est intéressés par vous, etc. ». Il faut dire la même chose aux professionnels. Deuxième chose : il faut que l’on nous soutienne avec des campagnes de communication, institutionnelles, d’offres de prix. Troisièmement : faire du voyage de presse en sens inverse. Je pense que si les journalistes français viennent en Tunisie, voient du produit, vivent un peu le pays pendant quelques jours et reviennent en disant : « rien n’a changé, si ce n’est que les gens sont plus ouverts, il y a plus de liberté de parole, les plages sont toujours aussi belles, les gens sont dans les hôtels, prêts à  vous accueillir, venez ! », c’est un point de vue impartial. Moi, si je dis que « la Tunisie, c’est la plus belle destination du monde », on va dire « c’est normal qu’il dise ça, il a envie de remplir ses avions et ses hôtels ». Il faut donc trouver ces relais d’opinion neutres pour qu’ils viennent renforcer notre discours.

Et vous, concrètement, quelles mesures avez-vous pris pour pousser à  la vente ?

Nous sommes condamnés à  faire des efforts dans le bon sens du terme puisque nous avons aujourd’hui des filiales avec 1000 collaborateurs en Tunisie, donc pour nous, c’est très très important. Nous sommes historiquement depuis 1975 implanté sur cette destination là , donc cela nous paraît naturel. Nous avons gardé du budget de communication pour accompagner l’office du tourisme sur des campagnes en France (je ne suis pas sûr que l’on soit très nombreux à  avoir prévu ça dans nos budgets marketing), donc nous sommes plutôt prêts. Il y a des discussions en cours avec l’office du tourisme pour caler une campagne conjointe ; après, on en mettra un peu moins qu’il y a 2 ans quand on avait 90.000 clients, c’est normal aussi, mais nous ne sommes pas à  0.

Le fait que le gouvernement tunisien soit à  majorité islamiste a-t-il selon vous une influence sur le client français ?

à‡a a influé sur le booking tout de suite après les élections. Il y a eu un stop et puis c’est reparti, le temps que les gens comprennent. Je pense que c’est bien qu’il y en ait dans plusieurs pays, ça banalise un peu les choses. Cela les positionne aussi les uns par rapport aux autres, c’est-à -dire que finalement, ce sont des gens « normaux » qui ont le droit de s’ancrer sur leurs croyances, peut-être un peu plus que d’autres, mais ce n’est pas forcément condamnable, bien au contraire. Moi, j’ai une position, c’est de dire : « France, terre de démocratie, nous devons soutenir la démocratie au sens large mais pas imposer nos valeurs ». Le peuple tunisien fait son chemin et fait ses décisions, pour moi, elles sont hautement respectables. Nous menons notre chemin dans cet environnement là , nous n’avons pas à  le contrecarrer, à  le juger, nous devons en tenir compte quand le client en a peur ; notre rôle c’est de dire que nous aussi, on vit dans ces pays là , on est capables d’expliquer, nous avons des collaborateurs sur place.

Propos recueillis par
H. HAMDI
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