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Humeurs

Notre tourisme malade de son endettement

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C’est bien d’aligner des chiffres, de comparer les performances d’une année à l’autre. C’est bien d’annoncer une augmentation du nombre d’entrées, de nuitées, des recettes en devises, ou même de déclarer l’année 2005 «année de tous les records». Tout cela est très réconfortant mais, nous pouvons – nous devons- faire mieux. Il y a plusieurs préalables à lever.

Par Mohamed Belajouza*

Endettement

Nous limiterons notre propos à aborder l’un de ces préalables et non des moindres : sa situation financière et son endettement important.

Néanmoins, l’activité touristique continue à se développer, mais à quel prix ? Le concours bancaire a consenti 4000 MD de crédit, soit 20% de l’ensemble des crédits accordés à l’ensemble des secteurs de l’économie nationale. C’est, dans l’absolu un signe de vitalité. Les revers de la médaille, c’est le montant des impayés qui dépasse 1500 MD. La gravité de la situation a retenu depuis plus de 2 ans l’attention du Chef de l’Etat qui a convoqué le 26 juin 2003 un Conseil des ministres restreint consacré au secteur du tourisme. S’agissant de l’endettement, le Chef de l’Etat a souligné « la nécessité de traiter cette question au cas par cas et ordonné la constitution d’une commission chargée d’examiner l’endettement du secteur et de présenter des propositions pratiques avant la fin juillet 2003. » (Journal La Presse du 27 juin 2003).

En application de ces directives, un Conseil interministériel s’est tenu le 10 juillet et un autre le 5 août qui a estimé que l’importance de l’endettement et le montant des impayés menacent l’équilibre financier du secteur bancaire, compromet sa capacité à financer de nouveaux projets et met en péril l’opération de mise à niveau de l’hôtellerie. Ce même Conseil a analysé les causes et défini les mesures appropriées à appliquer aux entreprises défaillantes. Le constat établi par le Conseil des ministres est toujours d’actualité sauf que les chiffres ont évolué, mais pas dans le bon sens. Le montant des impayés a encore augmenté, les compteurs des banques ont continué à tourner. C’est à prévoir, les solutions préconisées n’ont pas été appliquées à temps. A ce propos, où en sont les travaux de la commission ordonnée par le Chef de l’Etat ?

Explications

Mais d’abord, comment en est-on arrivé là ? Qui ne paye pas ? En majorité, ce sont les unités réalisées dans le cadre du programme Jeune Promoteur appliqué depuis 1994. Explication : la mise en exploitation de plusieurs milliers de lits dans les zones de Hammamet Sud et du Sahara n’a pas été précédée ou accompagnée d’actions de marketing préalables et nécessaires, ce qui a rompu l’équilibre du marché et créé une surabondance de l’offre.

La plupart des unités n’a pu réaliser les résultats attendus pour diverses raisons : manque de professionnalisme, sous-capitalisation, coûts excessifs des crédits, retards dans la réalisation, commercialisation défaillante…

La suite, on la connait : on ouvre, on se met à vendre à n’importe quel prix, quand on trouve preneur. C’est la spirale infernale. Prix bas =mauvais service = réclamations =prix encore plus bas.

L’Opération bradage est  née. Le mal est fait et va atteindre toutes les zones et toutes les catégories d’hôtels. Voilà le constat des lieux.

Solutions

Quelles solutions apporter pour assainir le secteur et le débarrasser de ce boulet qui compromet son évolution et handicape son avenir ? Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour aider les promoteurs endettés à se désengager et aux banques de recouvrer tout ou une partie de leurs créances. Pour l’application de ces solutions, il convient de distinguer trois catégories de promoteurs :

Une toute petite minorité, tous intrus dans la profession, n’ayant aucune qualification dans le domaine ni dans la gestion d’entreprise et qui exploitent depuis plusieurs années leurs unités sans avoir jamais remboursé un dinar de leurs crédits. Cette petite minorité, mais dont le nombre est suffisant pour ternir, par leur comportement, l’image déjà pas très reluisante de l’hôtelier telle qu’elle est perçue par l’homme de la rue.

Des pseudo-gestionnaires qui ne font pas la différence entre recettes et bénéfices et qui, de toute façon, ont retiré leurs billes (si tant est qu’ils en aient mis) avant l’entrée en exploitation de leurs unités. Ceux-là sont à exclure de tout avantage et de toute mesure de sauvegarde. Pour Ceux-là le Conseil Interministériel du 10 juillet 2003 a dit son mot. Il a appelé les banques à appliquer la loi. C’est-à-dire obtenir des décisions de justice pour saisir et vendre leurs unités.

Quant aux promoteurs sérieux dont les entreprises ont connu des difficultés conjoncturelles au sens du décret du 20 avril 2004 qui précise « les difficultés rencontrées par les entreprises touristiques durant la période allant du 1er septembre 2001 à fin juin 2003 entraînant une baisse de leur activité, notamment au niveau du nombre de nuitées réalisées et des recettes touristiques », ceux-là doivent être soutenus et bénéficier de toutes les mesures nécessaires pour poursuivre leurs activité : rééchelonnement de la dette sur une longue période (15 à 20 ans) à taux d’intérêt réduit et délai de grâce pour son paiement, un abandon par les banques, l’administration fiscale et la CNSS de tous les intérêts échus. Une troisième catégorie de promoteurs se trouve à la tête d’entreprises lourdement endettées parce qu’elles n’ont pas réussi à surmonter des difficultés structurelles mais qui restent capables, à certaines conditions, de « s’en sortir ». Leurs unités pourraient être groupées par les banques créancières et confiées à une société de gestion à qui les banques accorderont les aides et les facilités qu’elles jugeront nécessaires en les traitant au cas par cas comme l’a recommandé le Président de la République.

Organisme à créer

Cet organisme à créer doit être dirigé en toute transparence par des gestionnaires en hôtellerie compétents et reconnus. Il sera de structure légère et aura pour unique mission d’assainir la situation financière des entreprises hôtelières défaillantes pour les remettre à leurs promoteurs au fur et à mesure de leur assainissement. De la sorte, les banques seront payées, en tout ou en partie, les entreprises seront restituées à leurs places dans le circuit économique pour continuer à créer de la richesse et sauvegarder les emplois, ou même, en créer d’autres.

Avantages de cette solution.

  • Mise sur le marché d’un produit varié et complet par le regroupement de plusieurs unités de capacité, de catégorie, voire de zones différentes.
  • Amélioration de la capacité de négociation avec les T.-O et diminution de la dépendance.
  • Création de synergies entre les unités.
  • Economies d’échelles et, plus généralement, compression de toutes les charges d’exploitation.
  • Amélioration de la qualité des prestations qui devront répondre aux normes internationales.
  • Arrêt au bradage, restauration des marges et retour au prix du marché.
  • Résultats de gestion positifs pour répondre aux soucis des banques et pourquoi dégager, à terme, des bénéfices.

Le succès de ce programme amènera les promoteurs redevenus propriétaires de leurs entreprises désormais assainies à poursuivre l’expérience de l’exploitation en commun de leurs unités.

Ce serait la naissance des chaines volontaires ou de « Groupements d’Intérêts Economiques » qui ont fait leur preuve.

Un nouveau départ

Que l’une ou l’autre des suggestions soit retenue, ou n’importe quelle autre solution, il faut l’appliquer rapidement. Les compteurs des banques tournent et la capacité de remboursement ne suit pas. Il ne faut pas nous leurrer. Malgré toute leur bonne volonté et leur désir de venir en aide au secteur, les dirigeants des banques, de la CNSS ou de l’administration fiscale ne pourront jamais prendre, seuls, les décisions d’abattement ou d’abandon. Seule une décision à un niveau élevé autorisera ces « sacrifices » pas si importants qu’il n’y paraît.

Les unités à sauver sont bien là, elles ont créé de la richesse, des emplois, participés aux recettes en devises. Le sacrifice n’est pas bien grand, s’il assure un nouveau départ du secteur du tourisme.

   *Mohamed Belajouza est président-directeur général de la chaine tunisienne Seabel Hotels.

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