Le long périple de Kerkennah dans sa recherche de leviers de croissance touristique
21 août 2020L’île de Kerkennah a besoin de tourisme pour stimuler son économie locale. Entre grands projets au point mort et problèmes d’accessibilité, le classement par l’Unesco de la Charfia lui apporterait un complément de visibilité qui ne serait pas de trop.
Cela fait près de 25 ans que l’on en parle. Le projet touristique de Sidi Founkhal est toujours au point mort. A Kerkennah, ce bras de terre de 55 hectares entouré par la mer est un site prévu pour accueillir notamment des hôtels et une résidence immobilière (photo ci-dessous).
En un quart de siècle, les régimes politiques se sont succédé, les ministres aussi, sans que l’on ait avancé d’un iota sur ce concept choisi pour être un pôle de tourisme écologique. Sur l’île, on continue d’espérer malgré tout attirer des investisseurs, mais à ce jour, c’est le néant absolu malgré les ajustements apportés avec le temps au schéma initial.
Le plan réajusté par l’AFT (Agence foncière touristique) porte sur 4 hôtels de différentes superficies, allant de 7 à 20 hectares, ainsi que des projets d’animation para-touristique. Dans une énième tentative de convaincre des investisseurs, un nouvel appel à manifestation d’intérêt sera lancé très prochainement. Car « Kerkennah a réellement besoin d’un projet structurant qui pourrait attirer des investisseurs et créer une dynamique économique et touristique », rappelait le 19 août courant le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mohamed Ali Toumi, lors d’une visite sur le terrain.
Condition sine qua non: que le projet revête une dimension écologique car la fragilité de l’éco-système de Kerkennah n’autorisera en aucun cas un projet classique. De plus, dans la vision future du secteur, on s’oriente vers une offre plus élitiste, à destination d’une clientèle plus exigeante.
« Il faudra octroyer à Kerkennah un label de tourisme durable, respectueux de la nature, ajouter au projet de Sidi Founkhal un concept haut de gamme, avec par exemple des bungalows sur pilotis, des taxis-navires… » propose le ministre du Tourisme et de l’Artisanat.
L’investissement est sans aucun doute lourd, il faudra qu’il séduise les promoteurs. A condition aussi que les procédures administratives soient allégées car elles constituent de toute évidence un frein face aux investisseurs pour qui «Time is money». Plus question que la bureaucratie n’alourdisse encore le fardeau.
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L’accessibilité à l’île, premier frein au développement insulaire
Le Loud est actuellement le seul moyen de rejoindre l’île. Ce car-ferry effectue la traversée depuis Sfax en 1h00 par beau temps, 1h30 en moyenne, plus quand la mer est houleuse, notamment en hiver. La flotte actuelle est loin de répondre aux besoins réels, non seulement pour les visiteurs, mais également pour les populations insulaires. Résultat, les navires, quand ils ne sont pas en panne, sont bondés. Et comble de l’incohérence, la Sonatrak, gestionnaire de la ligne, bien qu’en situation de monopole, est en déficit financier chronique. Son dernier Loud, elle l’a acheté en 2017. Mais il est loin d’avoir solutionné les problèmes d’accessibilité malgré sa capacité de 800 passagers et 172 véhicules. Et les moyens font défaut pour procéder à des rénovations des anciennes embarcations (notamment Kyranis mis à l’eau en 1986).
Pourtant, un privé, la compagnie Babour Express (qui s’était fait connaître en 2018 avec sa ligne maritime rapide Sfax-Djerba), s’est bien proposé pour mettre sa flotte de monocoques rapides (30 minutes de traversée) à profit des passagers entre Sfax et Kerkennah. Mais c’était sans compter les difficultés administratives qu’il a rencontrées. Ses bateaux sont actuellement parqués dans un coin du port de Sfax dans l’espoir d’obtenir un feu vert des autorités et, surtout, la bénédiction des courants syndicaux.
Et pour ne pas arranger les choses, au terminal de Sidi Youssef à Kerkennah, les pêcheurs ont décidé de maintenir l’amarrage de leurs bateaux à proximité immédiate du débarcadère du Loud et ce en dépit du nouveau port qui leur a été spécialement dédié. Une situation qui crée une gabegie indescriptible à chaque embarquement et débarquement.
L’Unesco et la Charfia
Intégrer la pêche à la Charfia dans la liste du patrimoine mondial immatériel de l’Unesco. Le dossier vient d’être relancé par Mohamed Ali Toumi. A ce titre, il a délégué un comité d’experts pour effectuer les démarches nécessaires pour que cette tradition ancestrale soit reconnue mondialement et constitue, par voie de fait, un élément de distinction pour Kerkennah, une nouvelle signature touristique différenciée qui permettrait d’attirer vers elle les regards.
Et puis, il y a aussi ces petits projets d’hébergement alternatif qui continuent de croître. Dernier en date, « Casa Mia ». Cette maison d’hôtes était fonctionnelle depuis déjà 5 ans mais n’a obtenu son agrément définitif que depuis peu, ce qui lui a permis d’entrer dans le décompte officiel des unités habilitées à accueillir des clients. Encore une fois, les lourdeurs administratives ont été pour beaucoup dans le retard de sa classification.
Ce qui ne refroidit cependant pas les autres promoteurs. On parle d’une dizaine de maisons d’hôtes en cours de réalisation à différents degrés d’avancement. Mais là aussi, la bureaucratie ne contribue pas à faire avancer les choses rapidement et les plaintes de ceux qui ne demandent qu’à régulariser leur situation administrative sont légion.
Pourtant, il est évident que Kerkennah ne laisse personne indifférent. Pour preuve, sa population passe de 15.000 habitants en temps normal à 50.000 durant l’été, et particulièrement au cours de l’été 2020, à tel point que durant les deux longs weekends du mois d’août, aucune chambre n’est disponible sur toute l’île.
Une tendance encourageante peut-être sur le plan touristique mais qui ne doit pas détourner l’attention des menaces d’une surpopulation et de ses conséquences écologiques dans un contexte où la municipalité locale est loin d’avoir les capacités de traiter un tel flux d’arrivants au vu des moyens modestes dont elle dispose.
Hédi HAMDI
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