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Transport aérien : mon dossier aéropolitique au nouveau ministre du Transport

Transport aérien : mon dossier aéropolitique au nouveau ministre du Transport

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Par Mohamed Dhaouadi *

Bienvenue Monsieur le ministre ! Et que Dieu vous assiste entre assainissements, restructuration et stratégie de réforme à  venir du secteur. Je demeure tout à  fait confiant que vous aborderez les dossiers aéropolitiques du transport aérien avec réalisme, audace et vision futuriste.

Permettez-moi tout d’abord ce premier conseil d’humble citoyen, pour vous mettre en garde contre les « Alfred Kahn » de chez nous, gourous de la déréglementation qui, naïvement, prétendent qu’une « ouverture du ciel » est une solution salutaire au tourisme ; difficile de leur accorder cette probabilité sans la sagesse des leçons tirées des modèles dans le monde – USA et Union européenne en tête – et de leur expérience passée.

Tirer les leçons qui s’imposent

Seulement voilà  : comme la structure du transport aérien dans notre pays n’est ni celle de l’Europe et encore moins celle des Etats-Unis, ceci saurait ce qui en adviendrait d’aller vers un « One shot Agreement » pur et dur ? Entre 1978 et 2001, pas moins de 9 compagnies géantes américaines (Majors) et des plus emblématiques ont mordu la poussière : Eastern, Midway, Braniff, Pan Am, Continental, America West et TWA, outre la liquidation de 100 transporteurs aériens petits et moyens, (y compris 10 compagnies nouvellement créées grâce à  l’Acte de Déréglementation de 1978). Un total de 150 compagnies aériennes, liquidées ou réfugiées sous le Chapitre 11 sur les faillites aux USA. En 32 ans depuis le Deregulation Act d’octobre 1978, plus de 60 milliards de $ de pertes et des centaines de milliers de postes d’emplois ont été enregistrés !

En Europe, pour la période 2000 à  2008, l’Association SOS Voyages a annoncé la banqueroute de 79 transporteurs européens. Comble de ce sinistre tableau, American Airlines, mastodonte du transport aérien universel, fleuron de l’industrie et fierté texane et nationale américaine avec son aigle -symbole de la puissance US- vient de tomber tout juste il y a un mois.

Plus près de nous, en Europe, UTA, Air Liberté, Sabena, Swissair, KLM et j’en passe, nous interpellent pour nous rappeler l’impitoyable verdict du « ciel ouvert », terme devenu barbare, prononcé par la bouche des novices. Car, s’il est vrai que la tendance n’est plus vers le protectionnisme désormais révolu, il s’affirme d’autant plus vrai qu’il n’existera jamais de « ciel ouvert », tant que le sacro-saint principe de souveraineté nationale gouverne le monde : par tradition et par l’esprit des traités internationaux -Chicago et Bermudes étant en tête des valeurs- même les architectes de la déréglementation, le berceau de l’« Open Sky » le plus radical, n’offre pas aussi banalement le ciel américain aux requins de la concurrence.

C’est pourquoi, les 3 paquets de mesures adoptées par la Communauté européenne en 1987,1990 et 1992, libéralisant le trafic aérien en Europe, régissent par étape l’accès au marché, les tarifs applicables et l’application des règles de concurrence. Cette stratégie rappelle combien il est vital de mettre des garde-fous, les filets de sécurité étant indispensables à  toute aventure libérationniste.
Dès lors, une approche progressive à  un accord de libéralisation s’impose d’elle-même, afin que la Tunisie puisse intégrer un cadre aéropolitique mondial libéralisé soit, mais équilibré, qui préserverait (et non pas protégerait) les intérêts supérieurs de la Nation. Et ce ne sera certainement pas pour Tunisair mais pour l’ensemble du pavillon national.

Dans cet ordre d’idées, disposons-nous de l’arsenal législatif et autres instances de contrôle de l’UE ?

Message aux hôteliers

Aussi, mon message à  nos compatriotes hôteliers, serait de ne pas trop se nourrir d’illusions quant à  la ruée des low cost sur le marché: ces nouveaux entrants n’ont d’autre souci majeur que de remplir des sièges d’avion à  vils prix, et non pas des chambres d’hôtels ; notre tourisme n’aura droit dans ce cas, qu’à  des touristes avec un sac à  dos comme bagages, et dedans, un sac de couchage.
« Pour les low cost, l’acte de transport aérien est en quelque sorte dépouillé de tous ses attributs annexes (repas à  bord, garantie d’une correspondance, etc.) et réduit à  sa fonctionnalité première, celle de transporter une personne en toute sécurité d’un point A à  un point B ».
(Professeur d’économie à  l’université Paris I – Panthéon Sorbonne, professeur affilié à  ESCP Europe).
Regardons à  côté, chez nos voisins marocains…L’expérience n’y est pas tellement brillante …sauf lorsqu’elle est décrite par des politiques.

En conclusion, nos flancs n’ont jamais été aussi exposés : notre premier transporteur demeure une compagnie de niche, absente d’une alliance stratégique. Nos aéroports sont des gares routières, (faute d’une stratégie et de « réasautage » et de Hubbing). Notre cadre législatif en matière de concurrence dans le secteur est à  concevoir. Notre culture aéropolitique est à  enseigner. En un mot, nous nous engageons dans une bataille, sans stratégie, sans infrastructure, ni logistique guerrières ; le modèle incompatible de « ciel ouvert » que ces « gourous » nous proposent risque de nous tomber sur la tête (Dieu nous en préserve !).

Avec tous mes vœux de succès Monsieur le ministre.

M.D**
Consultant International T. Aérien & Questions Aéropolitiques/Directeur Fondateur du Bureau IATA en Tunisie – 1998

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