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Chirurgie esthétique en Tunisie: plage et bistouri

Chirurgie esthétique en Tunisie: plage et bistouri

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Rattrapé par la réalité économique, le tourisme de santé génère désormais un tel business qu’il revêt une dimension stratégique qui n’a pas échappé à une destination comme la Tunisie.

Destination Tunisie a mené l’enquête auprès d’un panel représentatif du secteur qui mesure le chemin parcouru mais qui –loin de s’endormir sur ses lauriers- apporte aussi des réponses concrètes aux difficultés du secteur.

« Grand bonjour à  toute l’équipe. Ravie et non déçue de ces opérations, bien au contraire. Je tiens à  rassurer toutes les personnes qui seraient tentées par une telle aventure. De la prise en charge, en passant par l’opération et l’hébergement, tout est parfait. Quant au suivi, du personnel de l’agence au chirurgien, tout le monde se coupe en 4 pour vous satisfaire. Vraiment, n’ayez aucune crainte sur votre séjour. » Sur le livre d’or de Zenmed, des témoignages de personnes venues se faire soigner en Tunisie, il en existe plusieurs dizaines, que l’on peut d’ailleurs consulter sur le site Internet de ce voyagiste qui fut l’un des premiers à  se spécialiser dans l’organisation de voyages au départ de l’Europe à  des fins de chirurgie esthétique en Tunisie.

Avec plus de 120.000 patients en 2008, la destination est de toute évidence en train de se faire une place au soleil dans le domaine du tourisme médical et sa notoriété va crescendo. Cette notoriété, la Tunisie la doit à  plusieurs éléments : il y a d’abord le facteur proximité des principaux marchés émetteurs qui joue inévitablement en sa faveur (2 à  3 h de vol en moyenne des principales capitales européennes ou nord-africaines), mais surtout et fondamentalement un savoir-faire médical et des compétences éprouvées. Sur ce point, il est clair que les candidats aux soins sont intransigeants. Le rapport qualité-prix pratiqué est également très compétitif (entre 30 et 70% moins cher qu’en Europe). Et pour couronner le tout, une infrastructure moderne basée sur des cliniques privées réparties sur tout le pays -avec une concentration plus prononcée sur les deux principales villes du pays, Tunis et Sfax, un très grand nombre de cabinets privés, des équipements lourds, etc. Quant à  la capacité hôtelière du pays, elle est en mesure de répondre à  une très forte demande, en particulier durant les basses saisons d’activité touristique et quasiment dans n’importe quelle région.

Selon les chiffres du ministère de la Santé, on compte 115 établissements privés de soins qui totalisent 2747 lits. L’activité peut être subdivisée en plusieurs catégories : les soins médicaux à  proprement parler, les soins de chirurgie esthétique, les retraites médicalisées, sans parler de la cinquantaine de centres de thalassothérapie situés dans les hôtels, des centres spa ou balnéo et des sites de thermalisme.

Un constant s’impose : en terme de soins médicaux, les nationalités majoritaires proviennent de Libye en premier lieu, d’Algérie ensuite, des patients qui n’hésitent pas à  parcourir jusqu’à  un millier de km, souvent en voiture, pour se faire soigner en Tunisie. « Quand il s’agit par exemple d’assistance médicale à  la procréation, autrement dit pour avoir des enfants, les gens sont capables de traverser des mers, de franchir des océans, d’autant plus quand c’est moins cher et que c’est fait par des gens très bien formés » témoigne Hassen Chelly, pharmacien biologiste, responsable du centre d’assistance médicale à  la procréation de la Clinique du Parc à  Tunis.

UNE STRATEGIE NATIONALE

Placé sous la tutelle du ministère de la Santé, le secteur affiche de grandes ambitions, s’agissant d’un créneau très porteur et générateur important de devises. Dans le jargon usuel, on parle aussi et surtout d’« exportations de services de santé ».

En termes de réalisations, Dr Mongi Hassouna, chargé de mission auprès du ministre de la Santé et coordinateur du Programme d’exportation des services de santé, apporte quelques éléments de réponse : « nous recensons plus de 120.000 hospitalisations, sans compter les accompagnants pour deux, voire trois millions de consultations par an. Nos objectifs sont très importants, non seulement sur le plan services, mais aussi dans le domaine de la pharmacie puisque nous comptons multiplier nos chiffres par 10 ».

Sur un autre plan, une grande étude sur le secteur est en cours de préparation et devrait définir la stratégie à  adopter à  l’avenir. Car en matière de tourisme de santé, la concurrence entre destinations est rude. Si certains pays du sud-est asiatique sont devenus des références, le Maroc, de son côté, revendique légitimement aussi sa part du gâteau. D’où la conviction des opérateurs du secteur en Tunisie de se positionner solidement sur ce segment jugé porteur. Mais pour atteindre les objectifs assignés, le pays doit d’abord se donner les moyens de ses ambitions. Sur le plan marketing mais aussi sur le plan législatif. L’un des principaux freins au bon développement du tourisme de santé en Tunisie semble être le suivi post-opératoire. Et c’est d’ailleurs sur ce point que certains praticiens européens ont fondé leurs campagnes de dénigrement. Car faut-il le dire, les lobbies médicaux européens ne sont pas restés les bras croisés face à  l’exode de leurs malades.

Mais face à  la réalité, à  la multiplication de reportages dans les médias, aux différentes expériences relatées par des personnes venues se faire soigner, la thèse a fait long feu. Ensuite, c’est l’état et l’entretien des cliniques qui a été mis à  l’index. Une fois encore, la preuve a été faite de la qualité des infrastructures sanitaires tunisiennes et leur conformité aux normes internationales. Mais c’est face à  l’argument du suivi post-opératoire que la machine s’est grippée. Car légitimement, les candidats au voyage y réfléchissent à  deux fois avant de s’engager par crainte d’éventuelles complications médicales à  leur retour chez eux.

Pour contourner les problèmes, certains en appellent à  ouvrir la porte aux praticiens étrangers afin de venir exercer en Tunisie. Amor Dehissy affirme à  ce sujet « recevoir une demande par semaine d’un chirurgien français voulant travailler avec nous et d’accord pour assurer le suivi post-opératoire ». Mais, précise-t-il, « en échange, ils demandent à  venir opérer en Tunisie. Pour nous, la seule façon de dénouer ce nœud est de les autoriser à  venir ».

Cependant, les médecins tunisiens ne l’entendent pas tous de cette oreille et on imagine mal que l’on accepte d’ouvrir la porte aux praticiens étrangers dans un pays qui ne manque pas de compétences et qui, pis encore, compte un nombre conséquent de jeunes médecins diplôme en poche mais à  la recherche d’emploi !

Dr Samy Allagui, médecin généraliste et consultant en exportation des services de santé, analyse la problématique sous un autre angle : « concernant l’exercice des médecins étrangers, c’est un gros chapitre, très réglementé : leur exercice en Tunisie est soumis à  une autorisation particulière. Il y a quelques médecins, notamment des neuro-radiologues, des « missionnaires », qui viennent dans le cadre d’un « transfert de savoir » opérer quelques fois sur rendez-vous. Tout cela est lié à  une règle de réciprocité. En effet, la loi n° 91-21 du 13/03/91 stipule que : « un médecin ne peut être inscrit au tableau de l’ordre tunisien s’il est déjà  inscrit au tableau d’un ordre d’un Etat étranger ». Si nous autorisons les médecins français à  exercer en Tunisie, on va nous dire que les médecins allemands, anglais… ont aussi le droit d’exercer chez nous : c’est une règle de réciprocité. Moi je ne vois pas pourquoi cette frilosité ? Car ce sera plutôt nos médecins, dont beaucoup sont au chômage, qui en profiteront.

De toute façon, je vois mal un médecin français quitter son cabinet en France et venir s’installer en Tunisie, et si quelques-uns le font, ce ne sera qu’un dynamisme de plus apporté au secteur.

Cependant, il y a dans les textes de loi -non pas une petite contradiction- mais quelque chose qui n’est pas clair ; entre le texte cité plus haut et celui de la loi n° 94/2001 du 07/08/2001 qui organise l’exercice des établissements de santé prêtant la totalité de leurs services au profit des non-résidents. Ces cliniques, dites cliniques off shore, peuvent -en théorie- accueillir des médecins étrangers pour opérer et faire toutes sortes d’interventions. Alors soyons clairs et courageux et ouvrons les portes de manière légale pour permettre au secteur de s’épanouir. Il s’agit là  de points cruciaux qui touchent aussi aux remboursements des soins. Car le malade n’est remboursé que si les soins sont faits dans une structure agréée et prescrits par des médecins reconnus (inscrits au tableau européen). Il faudra donc harmoniser la règlementation avant de penser campagne de promotion. »

RETRAITES DOREES

Autre axe porteur, celui des seniors. Le 3e âge n’est plus ce qu’il était et une destination comme la Tunisie représente une alternative de choix pour cette nouvelle catégorie de consommateurs dont le nombre est de plus en plus élevé, qui est en bonne santé et qui a la possibilité de prendre l’avion, s’agissant en plus d’une classe sociale dotée d’un pouvoir d’achat non négligeable. Et quand on sait que les maisons de retraite n’ont pas vraiment le vent en poupe, comme c’est le cas en France, il est certain qu’une retraite en Tunisie peut constituer une alternative séduisante. « Pourquoi finir ses jours enfermé sous la pluie alors qu’on peut se faire bichonner au soleil pour pas cher ? » écrivait le journal Le Parisien dans un article publié le 20 mai 2009 sur son site Internet, citant l’ouverture d’un resort médical à  Hammamet dans l’aile d’un grand hôtel et expliquant qu’« il y a la plus-value du cadre, du soleil, du service hôtelier, avec un modèle de soin à  la française. Gériatres ou dentistes formés en France, l’hôpital de Tunis pas loin en cas de pépin, massages et thalasso comme spécialité locale… Et ça ne coûte « que » 1 380 € par mois, 1 710 € si la personne est dépendante ».

Pour Zakaria Zgolli, secrétaire général de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), « les retraités viennent d’octobre à  avril, lorsque les hôtels sont vides. On compte 10 millions de retraités en France et il y a des listes d’attente dans les maisons de retraite françaises et européennes. Les retraités ont des budgets de 1000 à  3000 € par mois, ce qui est faramineux. J’ai demandé à  racheter ces listes mais ce n’est pas aussi facile malgré les conventions existantes. Enfin je citerai le Maroc qui a réussi là  ou nous avons encore du mal, le résidentiel : il y a 100.000 retraités qui ont acheté au Maroc des maisons, des riads… Les procédures y sont très simples. En Tunisie, nous sommes soumis à  une autorisation du gouverneur de la région concernée qui ne vient pas après 2 ans. »A défaut donc de pouvoir devenir propriétaires en Tunisie, les seniors ont heureusement la possibilité de se rabattre sur les hôtels, tout au moins ceux aptes à  leur offrir des mesures d’accompagnement au vu de leurs besoins tout à  fait spécifiques et bien différents de la clientèle traditionnelle. A ce propos, Dr Samy Allagui est plutôt pessimiste. « En tant que consultant, j’ai reçu un investisseur français avec qui nous avons visité pas moins de 15 hôtels, et aucun ne répondait aux normes exigées pour l’accueil des personnes âgées ou de personnes convalescentes. Par la hauteur de la baignoire, la largeur de la porte, la nature du tapis, etc. Il y a en fait 280 points qui doivent être remplis. Le meilleur hôtel en Tunisie est un hôtel dans la région de Monastir qui répondait à  moins de 150 points ».

D’où l’urgence pour les hôtels intéressés par ce créneau de se mettre à  niveau et se référer par exemple aux normes définies par la FNADEPA (Fédération nationale des personnes âgées en France). Dans le contexte actuel marqué par un taux d’occupation hôtelier particulièrement préoccupant en hiver, l’hôtellerie tunisienne aurait tout à  gagner à  miser sur ce segment.

Pour le Dr Allagui, la demande existe à  plusieurs niveaux : pour le sevrage (tabagique et alcoolique, avec une demande très prononcée au niveau du marché russe), pour l’hébergement d’équipes sportives ou encore pour l’accueil des non-voyants ou des personnes à  mobilité réduite. « Je suggère aux hôteliers tunisiens de nouer des liens avec des chaînes hôtelières internationales qui travaillent spécifiquement dans l’hôtellerie destinée aux personnes à  besoin spécifique ».

DEFICIT D’IMAGE DE LA DESTINATION

La promotion est l’autre faiblesse du tourisme de santé en Tunisie. Ce déficit n’est pas propre au secteur de la santé, il constitue l’un des maillons faibles du tourisme tunisien en général en l’absence de budgets de promotion conséquents et étant confronté à  une concurrence exacerbée. « Il y a 8 mois, témoigne Mongi Kallel, j’étais en Grande Bretagne et j’ai été frappé par la campagne d’affichage réalisée par la Turquie dans le domaine du tourisme médical. Des moyens énormes sont investis dans la communication institutionnelle vu que c’est l’Etat qui supporte ces campagnes, les privés n’en ayant de toute évidence pas les moyens. En Tunisie, nous souffrons d’une timidité dans l’information à  cause du conseil de l’Ordre des médecins ».

Confirmation de Ghazi Jebali, directeur de la clinique Montplaisir à  Tunis, qui soulève la question des initiatives privées et des investissements à  consentir : « actuellement il y a des actions qui sont faites individuellement par des cliniques ou des agences. Pour ce qui nous concerne, nous disposons d’un site Internet mais nous sommes en train de payer le référencement. Nous effectuons des déplacements à  l’étranger en utilisant la partie subventionnée par le CEPEX qui nous aide mais il reste une grande partie supportée par les moyens propres de la clinique. En attendant d’avoir une vision générale, il faut essayer de soutenir les actions individuelles à  travers des subventions pour aider ces gens là  à  rentabiliser leurs investissements dans la communication, et tout cela au nom de la Tunisie. »

A plus large échelle, on peut aussi se demander pourquoi le tourisme de santé n’a jamais été traité sur le plan marketing comme une niche de la même manière que cela se fait avec les produits golf et casinos par exemple. En y regardant de plus près, la Tunisie compte 8 parcours de golf et deux casinos en activité. L’ONTT engage très souvent des moyens conséquents pour promouvoir ce tourisme de niche. Le tourisme de santé, dont le potentiel et les infrastructures sont nettement plus importants, n’a jamais fait l’objet de communication spécifique. Maintenant que le secteur a été placé sous l’égide du ministère de la Santé, celui-ci sera désormais tenu d’en assurer non seulement l’organisation mais aussi la promotion à  partir de moyens financiers autres que le Fonds dit de compétitivité que gère le ministère du Tourisme.

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