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Sidi Dhrif : le ras le bol des étudiants inquiets pour leur avenir

Sidi Dhrif : le ras le bol des étudiants inquiets pour leur avenir

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Les étudiants de l’Institut des hautes études touristiques (IHET) de Sidi Dhrif ont abandonné leurs classes et organisé une grève lundi dernier. Motifs ? Réclamer, une bonne fois pour toute, des solutions à  la « situation lamentable » qui prévaut dans leur établissement depuis des années. À l’amphithéâtre de l’institut, la confrontation entre les étudiants et le directeur a été inéluctable, mais elle a permis d’exprimer les ressentiments de chacun.

Protestations et revendications

Dans une ambiance électrique de protestations et de revendications, ces derniers, représentant toutes les classes et les filières, se sont entretenus avec leur direction afin de débattre de la situation. Soucieux de leur avenir, les étudiants de la troisième année se sont emparés de la parole pour réclamer des éclaircissements concernant les innombrables problèmes auxquels ils sont confrontés tous les jours, notamment le manque criard de stages, l’inutilité de certains cours, le manque de pédagogie chez certains enseignants (à  l’instar de celle du « marketing » contre laquelle tous les étudiants semblent révoltés, réclamant même son limogeage) et, grosso modo, la dégradation du niveau de la formation dans l’institut.

La gronde des étudiants n’est pas récente et les problèmes semblent être plus complexes que ça. En rencontrant la foule d’étudiants rassemblés dans la cours, ces derniers étaient loin d’être convaincus par les propos du directeur qui, selon eux, leur promet à  chaque fois monts et merveilles sans que la donne ne change.

Faisant porter le chapeau au ministère de l’Enseignement supérieur qui leur a imposé un programme éducatif inadéquat, la dégradation du niveau de la formation serait dûe au développement de l’aspect académique et magistral au détriment de la formation technique.«On est contraint d’endurer 16 matières typiquement théoriques alors que le côté technique est quasiment absent» regrette un étudiant en Hébergement. Et d’ajouter : «dans notre institut, les étudiants en Hébergement font leurs travaux pratiques dans une petite chambre, cela ne nous permet même pas de maîtriser les ABC du métier, d’autant plus que beaucoup de savoir-faire nous échappe.» Conséquence, les étudiants de Sidi Dhrif ne sont plus les bienvenus dans les hôtels pour faire des stages, qui préfèrent accueillir des étudiants de provenance des écoles de formation touristique et qui, contrairement à  eux, maîtrisent leur travail à  la perfection.

Chacun sa position, sa vision de choses et son point de vue, mais ce qui était commun à  tous, c’est l’idée que la formation au sein de l’institut qui n’est plus à  la page, déphasée par rapport à  la réalité du terrain, qui n’encourage pas l’innovation et qui n’est plus capable de faire des étudiants des futurs professionnels du tourisme. Les étudiants ont fait part de la difficulté de s’introduire sur le marché professionnel, réclamant ainsi toute une remise en question du système éducatif ; certains vont jusqu’à  réclamer un retour sous la tutelle de l’ONTT comme cela fut le cas à  la belle époque de Sidi Dhrif.

Mobilisation des anciens

L’aversion pour le système éducatif est bel et bien partagée par les anciens de Sidi Dhrif venus samedi dernier à  l’initiative d’un enseignant pour s’entretenir avec les étudiants actuels (qui n’étaient d’ailleurs pas nombreux). Déçus par le statu quo et très nostalgiques de leur époque, ils ont évoqué le passé glorieux de Sidi Dhrif, institut brillant aussi bien à  l’échelle méditerranéenne qu’arabe. «Vous avez eu la chance de faire partie d’un institut de renommée ; en 1998, cet institut a assuré la formation d’un groupe de formateurs touristiques jordaniens…Allons voir la situation du tourisme jordanien à  l’heure actuelle, nous allons certainement pleurer le nôtre». Ainsi s’est exprimée Rym Kachouri, ancienne de l’IHET.

Sans exception, tous ont regretté une époque où l’institut était un vivier de compétences qui n’avaient aucun souci pour s’intégrer sur le marché professionnel et très vite pris par les hôtels, avant même qu’ils ne finissent leur formation. Sans tourner autour du pot, ils s’en sont pris à  tout : médiocrité de la formation, absence de la rigueur d’auparavant qui a cédé à  un laisser-aller administratif et un laxisme entrainant une démotivation des étudiants.

« Auparavant, il n’était jamais question d’assister au cours en jeans, il faut que les étudiants sachent que Sidi Dhrif n’a jamais été le Campus» avertit un des anciens de l’institut. Venus des quatre coins de la Tunisie, l’occasion était bonne pour faire part de leur volonté de créer une association des «anciens de Sidi Dhrif» pour venir au chevet de leur institut «malade» en encadrant les étudiants fraîchement diplômés, les orienter et surtout leur offrir des possibilités d’effectuer des stages.

L’autre diagnostic du directeur

Ils sont tous, anciens et actuels étudiants, d’accord que la situation de leur institut n’est pas au beau fixe, mais ont-ils fait le bon diagnostic de la situation ? Ainsi, dire que les étudiants de l’institut ne valent rien techniquement alors que le Sultanat d’Oman vient de faire appel à  des guides formés à  Sidi Dhrif ne relève-t-il pas d’une grande subjectivité ? Lotfi Rahmouni, directeur de l’institut, n’a pas nié le fait que l’établissement qu’il dirige souffre de quelques problèmes auxquels on a essayé de remédier en faisant la distinction entre les cours magistraux et la formation technique. Cette dernière souffre de quelques lacunes à  cause, entre autres, de l’insuffisance de l’espace et du matériel. «Cet institut est conçu pour recevoir 300 étudiants ; aujourd’hui, leur nombre est de l’ordre de 1000 étudiants. Ainsi, un étudiant qui fait de la pâtisserie, et à  la place de faire ses travaux pratiques 3 fois par semaine, il ne les fait plus qu’une fois par mois…C’est pour cela d’ailleurs que nous travaillons sur la réduction du nombre d’étudiants pour qu’ils soient dorénavant de l’ordre de 700» explique le directeur.

Celui-ci a avoué que la pédagogie de certains universitaires, qui ne connaissent pas la spécificité du domaine, ne correspond pas avec la formation à  Sidi Dhrif. «Un doctorant peut nous enseigner le marketing en général mais pas le marketing appliqué au tourisme» corrobore-t-il. Et essayant de mettre les choses dans leur contexte, il affirme que même si les étudiants de Sidi Dhrif trouvent des difficultés pour leur introduction sur le marché du travail, cela n’est pas essentiellement dû à  la dégradation du niveau de la formation au sein de l’institut mais plutôt à  la prolifération des instituts externes qui forment dans le tourisme. Car en Tunisie actuellement, le tourisme et la gestion hôtelière sont enseignés à  Gabès, Djerba, Tozeur, Kébili, Sbeitla, Kairouan, Mahdia, Moknine, Sousse, dans les facultés du Grand Tunis… et ce en dehors des écoles qui font de la formation professionnelle en tourisme.
Malgré cela, les étudiants de Sidi Dhrif restent toujours, selon lui, les plus avantagés sur le marché du travail grâce à  l’aspect technique de leur formation et grâce à  la maîtrise de plusieurs langues. Pour lui, ce qui manque vraiment, c’est essentiellement la formation continue et le contact avec les instituts étrangers de tourisme, indispensable pour que les étudiants puissent effectuer des stages à  l’étranger et être à  la page des différentes mutations que connait le secteur dans le monde.

Entre un directeur rassurant et des étudiants désemparés, la situation à  l’Institut des hautes études touristiques de Sidi Dhrif est quelque part un microcosme dans lequel se reflète la relation conflictuelle actuelle entre ministère et professionnels du Tourisme.

 Nidhal Adhadhi
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