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Kerkennah : du tourisme vert sur des gisements d’hydrocarbures ?

Kerkennah : du tourisme vert sur des gisements d’hydrocarbures ?

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©Destination Tunisie- Depuis le lancement par le ministère du Tourisme d’un appel à manifestation d’intérêt pour la mise en place d’une station touristique écologique à Sidi Founkhal sur l’archipel de Kerkennah, tout le monde s’excite. Ça a l’air d’être merveilleux. Mais seulement pour ceux qui n’ont pas vu encore, par leurs propres yeux, ce qui se passe réellement sur cette petite île située au large de Sfax. Le constat est à la fois accablant et affligeant. Aussi bien sur le plan écologique que touristique. En cause, les industries gazières et pétrolières qui ont élu domicile au large de l’île.

Des dégâts considérables et un mutisme consternant des autorités

Plusieurs sonnettes d’alarme y ont été tirées pour dire stop à ces industries mortelles qui sont en train de détruire tout un écosystème où l’homme et la nature ont vécu, de tout temps, dans une symbiose parfaite. Des cris de détresse ont été lancés par les habitants de l’île et par des associations environnementales au gouvernement actuel en l’invitant à intervenir pour arrêter le danger. Un danger qui rôde sous le spectre d’un désastre qui se profile. La faune et la flore sont déjà bien affectées par ces activités de forage destructrices de fonds marins. Alors que la pêche représente la principale ressource sur l’île, des bancs de poissons asphyxiés en sont au quotidien de tristes témoins pour des pêcheurs de plus en plus désemparés. Et ce n’est pas tout. Les tour-opérateurs boudent l’île et s’interdisent presque définitivement d’envoyer des touristes admirer les ballets incessants des bateaux et les installations des trois sociétés gazières et pétrolières qui opèrent sur place. Nuisances sonores et pollution visuelle sont omniprésentes sur l’île. Elles sont le plus visibles entre les stations de forage et la zone touristique de Sidi Frej, où les bateaux chargent et déchargent le personnel ou le matériel sur le ponton qu’ils se sont appropriés.

Malgré cela, les cris retentissants sont restés sans appel. Seulement voilà qu’un appel à candidature surgit d’un coup. Un drôle d’appel. Le ministère du Tourisme et l’Agence foncière du Tourisme (AFT) ont annoncé le lancement d’un projet d’écotourisme insulaire à Sidi Founkhal, une zone de l’île qui s’étale sur une superficie de près de 90 hectares. Entourée par la mer Méditerranée côté Nord, Est et Ouest, elle est bordée côté Sud par de grands domaines agricoles. Ledit projet touristique a pour ambition de créer une véritable dynamique économique durable avec des résidences hôtelières et des espaces d’animation à caractère écologique implantés au milieu de palmeraies sauvages. Selon le communiqué du ministère, ce projet se veut « respectueux de la réglementation d’urbanisme et de la fragilité de l’écosystème et se limitera à des constructions R+1, en parfaite harmonie avec le site ». Toute modestie mise à part, Mme Karboul auto-qualifie ce projet, avant même son commencement, de « véritable tournant » du simple fait, semble-t-il, qu’il incarne la sacro-sainte stratégie 3+1, sans doute si chère à Madame la ministre. Par ailleurs, si le projet s’inscrit parfaitement dans le cadre de la diversification et la mise en valeur des régions, n’y a-t-il pas des critères auxquels il doit absolument se soumettre pour pouvoir bénéficier du label écologique ou écotouristique ?

Sans avoir besoin d’être expert dans ce domaine, ou encore moins un chevronné de l’environnement, on peut clairement affirmer que, jusqu’à nouvel ordre, hydrocarbures et écologie n’ont jamais fait bon ménage. Loin s’en faut. Alors, comment peut-on penser à la réalisation d’un projet de tourisme vert en plein milieu de forages, d’hydrocarbures et d’essais actifs par fracturations hydrauliques, à la recherche permanente de nouveaux gisements ? D’autant plus que le dernier gisement de gaz découvert par une entreprise britannique et baptisé « Chargui 6 », date seulement de quelques mois. De ce fait, essayons d’imaginer, tant bien que mal, les péripéties qui pourront succéder à ce lancement d’appel à candidatures.

Les deux scénarios principaux à envisager

Un premier scénario consisterait à ce qu’une société ou un groupe hôtelier réponde à cet appel pour asseoir la zone de Sidi Founkhal telle qu’elle a été définie et programmée. De la sorte, on aurait assisté à une première mondiale : la mise en place d’un projet de tourisme écologique au milieu d’une plateforme d’exploitation de gaz et de pétrole. Toutefois, et au vu de ce qui a été décrit précédemment, on se demande qui oserait s’engager avec plus d’un milliard de dinars dans une telle entreprise en prenant le risque de parier sur avenir écologique radieux dans cette région. Même si on a le goût de l’aventure et du challenge, ça reste tout de même un pari proche de la roulette russe avec toutes les conséquences qu’on pourra supposer.

Un deuxième scénario, tout aussi probable, nous amène à imaginer une réticence totale des professionnels du tourisme à répondre à une telle offre. Un autre appel à candidature pourrait éventuellement suivre en bonne et due forme. Si la réticence des investisseurs du secteur touristique se perpétue, une réponse favorable de la part de l’une des sociétés pétrolières (ayant déjà révélé sa convoitise pour le site) ne serait pas exclue pour autant. Omnipotente y compris sur le plan financier, et sûrement en parfaite connaissance des cartes géologiques de l’archipel, cette société aurait de fortes chances pour s’emparer de la poule aux œufs d’or. Des œufs de gros calibre qui pourraient éclore de nouveaux gisements.

Entre le premier scénario Kamikaze et le deuxième qui ferait détourner complètement le projet de sa vocation de départ au profit des industries gazières et pétrolières, le pronostic vital de l’activité touristique et de l’environnement écologique de Kerkennah reste engagé. Si nos décideurs politiques sont incapables d’y remédier, ils devraient toutefois arrêter de nous miroiter des projets mirobolants qui, au final, s’avèrent farfelus et complètement éloignés de la réalité. Et puis, à un moment donné, ne faudrait-il pas arrêter de prendre systématiquement les gens pour des… simples d’esprit ?

©Destination Tunisie

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