Pagtour veut en finir avec les idées reçues sur la Tunisie
10 mai 2012L’excellent site belge de tourisme PagTour a publié récemment un article signé Claude Boumal qui veut tordre le cou aux idées reçues sur la Tunisie que nous vous proposons de découvrir dans son intégralité. Le meilleur de nos marketteurs touristiques n’aurait pas mieux fait.
Si PagTour s’intéresse à la Tunisie, c’est avant tout parce que ce pays figure depuis toujours dans le « Top 5 » des destinations préférées de ses lecteurs. Quelques (rares) lecteurs nous reprochent de trop en parler, au motif notamment, si l’on a bien compris, que le pays n’en vaudrait pas la peine…
Michel Ghesquière s’en est expliqué l’autre jour ; à son tour, Claude Boumal, qui s’est rendu plusieurs fois en Tunisie depuis la Révolution, apporte une réponse à quelques-unes des questions qui se posent. Car il circule à propos du pays une telle quantité de ragots qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure
Quelques exemples :
La Tunisie est gouvernée par des islamistes.
FAUX. Après la fuite de Ben Ali, le premier souci des Tunisiens a été d’élire une Assemblée Constituante, chargée comme son nom l’indique d’élaborer une nouvelle Constitution pour le pays.
Le gouvernement actuel est un gouvernement de coalition, mais aussi de transition en attendant des élections législatives. Il a été composé de manière à refléter aussi proportionnellement que possible le poids des principales composantes politiques qui disposent d’élus à cette Assemblée.
Il se trouve que le parti qui a recueilli le plus de voix, Ennahda (41,47 p.c., 90 sièges sur 211), se réclame en effet de l’Islam. Et que, par consensus, c’est au représentant du parti majoritaire qu’il revenait de diriger le gouvernement, comme cela se pratique désormais dans une série d’Etats modernes dont chacun sait qu’il s’agit d’abominables dictatures, comme le Royaume Uni, l’Allemagne ou Israël…
Si Ennahda a connu un tel succès, c’est que ce parti s’était déjà bien organisé durant l’exil de ses dirigeants et disposait déjà de réseaux en Tunisie. Par ailleurs, à l’image des mouvements palestiniens, dont il est évidemment proche, il a sans doute su se substituer aux carences du régime en matière d’emploi, de sécurité sociale, etc.
Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître qu’Ennahda a joué jusqu’ici le jeu de la démocratie, sous l’œil vigilant de Moncef Mazrouki, le président ad interim.
Mais si ses sympathisants se retrouvent surtout dans les couches les plus défavorisées de la population, il ne suscite aucun intérêt chez les jeunes, les femmes et les intellectuels.
Enfin, la rumeur selon laquelle l’hôtellerie tunisienne deviendrait halal, où seules les femmes voilées seraient autorisées à travailler, relève de la désinformation pure, voire de la diffamation.
Faut-il vraiment une nouvelle constitution tunisienne ?
OUI. Le travail en cours sur la Constitution doit permettre de dégager un accord sur les principes fondamentaux qui dessineront, demain, le cadre des institutions de la République de Tunisie : sans un cadre constitutionnel clair, le pays serait à nouveau livré à l’arbitraire, comme sous Ben Ali, ce dont plus personne ne veut.
La nouvelle Constitution devrait aussi accorder plus de pouvoirs aux régions. Et il est désormais acquis qu’elle ne fera aucune référence à la Charia, la loi islamique.
Rien n’a changé depuis le 14 janvier 2011.
FAUX. Si la Révolution n’a pas réglé tous les problèmes, loin s’en faut, on note déjà de nombreuses avancées dans le domaine social, et l’économie reprend peu à peu son souffle. Surtout, les Tunisiens ont découvert la liberté d’expression.
Avant la Révolution, jamais personne n’aurait osé émettre le quart du commencement de la moitié d’une critique à l’égard du gouvernement, ou d’un maire, ou d’un élu, ou de lancer des idées plus ou moins farfelues quant à « ce qu’il faudrait faire pour que tout aille mieux… », même en privé.
La Révolution s’est d’abord faite dans les têtes — une sorte de Mai 68, bouleversant toutes les idées reçues. Jamais, même à l’époque de Bourguiba, un tel vent de liberté n’avait soufflé sur la presse, à la radio ou à la télévision. Et les Tunisiens débattent entre eux, partout et tout le temps.
Y a-t-il un risque de retour en arrière ?
NON ! S’il est bien une chose sur laquelle tous les Tunisiens sont d’accord, c’est que ces acquis de la Révolution sont irréversibles. A juste titre, les Tunisiens sont fiers de leur démocratie, la seule de la zone, après… Israël.
Que va-t-il se passer à présent ?
Les élections législatives sont normalement prévues d’ici un an, le 20 mars 2013 pour être précis. Contrairement aux élections pour la Constituante, il ne devrait pas y avoir, cette fois, entre 150 et 200 partis politiques à se présenter aux suffrages des électeurs…
Les partis sont en train de se rassembler. On pourrait donc voir s’affronter un rassemblement des gauches, une union républicaine de conservateurs, un cartel du centre, etc., par exemple : les thèses islamistes les plus radicales, propagées par les Salafistes, n’ont donc probablement pas d’avenir en Tunisie. Et il se pourrait même qu’Ennahda soit relégué dans l’opposition après 2013.
Ensuite, ce sera l’affaire des Tunisiens, et d’eux seuls.
Parce que la Révolution tunisienne a fait naître un formidable espoir dans toute la région, il est de notre devoir de démocrates d’apporter toute notre aide à la re-construction de la Tunisie moderne, afin que le pays demeure un exemple pour tout le monde arabe, pour l’Afrique et au-delà .
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