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Tahar Khadraoui, P-DG d’Air Marin : « je propose de supprimer le All Inlcusive dans les hôtels 4 et 5 étoiles ».

Tahar Khadraoui, P-DG d’Air Marin : « je propose de supprimer le All Inlcusive dans les hôtels 4 et 5 étoiles ».

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Avec 20% du marché suisse sur la Tunisie, le T.O Air Marin est incontestablement un acteur de taille et qui ne se contente pas de faire des volumes sur la destination mais sur laquelle il s’engage corps et âme.

Comment Air Marin vit-il le tourisme tunisien de l’après Révolution ?

Le marché suisse a été très marginalisé pendant et après la crise. En aucun cas, la Suisse a été citée, comme s’il s’agissait d’un marché mineur. On a seulement parlé de deux ou trois destinations. Je tiens à  rappeler que le marché fournit 100.000 touristes à  la Tunisie chaque année et qui ont une haute valeur ajoutée. Si l’on veut comparer, les 100.000 Suisses sont l’équivalent de 200 ou 300.000 clients d’un autre marché que je ne veux pas citer. Ce sont des clients importants et on assiste à  une certaine négligence sur ce point. Je tiens à  ce que les instances du tourisme en Tunisie parlent de ce marché comme il se doit. Il est temps d’arrêter de nous marginaliser.

Estimez-vous par conséquent qu’il y a défaillance au niveau de l’administration du Tourisme ou bien qu’il y a du favoritisme ?

Je ne dirais pas du favoritisme mais on a tendance à  ne se pencher que sur les grands axes : la France, l’Allemagne, l’Angleterre (et on a même parlé de la Belgique bien qu’il n’y ait pas une grande différence avec la Suisse). Récemment, le ministre du Tourisme tunisien a pourtant parlé du marché belge sans citer le marché suisse. Pourquoi ? Ce qui est « marrant », c’est que quand on parle avec les officiels, on vous dit que c’est un marché important. Je confirme : c’est un marché très important ! Il ne faut pas oublier que le panier moyen du client suisse venant en Tunisie est compris entre 1000 et 1200 dinars. Faites le compte par rapport à  d’autres nationalités. Il est temps aussi que sur le plan marketing, on essaye de faire participer les gens impliqués sur le marché. C’est ce que j’appelle le co-marketing. Nous ne sommes pas tous mauvais. Il est temps que nous discutions. Nous pouvons également apporter quelque chose à  la stratégie. En dehors des crises, on « tape » sur les tour-opérateurs et pendant les crises, on compte sur eux. Nous sommes méchants quand ça marche et nous sommes bons quand ça ne marche pas.

Quand vous dites « nous pouvons », de qui s’agit-il exactement ?

Je parle des T.O tunisiens avec l’administration du Tourisme tunisien. Cela fait 20 ans que j’exerce le tour-operating, je ne me souviens pas un seul jour qu’elle nous ait convoqués pour sérieusement discuter ou pour donner même un avis consultatif, une idée, etc. Je ne suis pas l’avocat des T.O tunisiens mais en tant que T.O tunisien, je constate que durant les années de vaches maigres, on se rappelle à  leur bon souvenir. Mais quand ça marche, c’est sur eux en premier qu’on s’acharne. Je me souviens que l’année dernière, j’ai du prendre ma plume pour en défendre quelques-uns. Il est vrai que certains ne sont pas irréprochables et qui nous embarrassent, mais il ne faut pas généraliser. Nous, en tant que T.O tunisiens, nous nous investissons, pourvu qu’on se rende compte que nous sommes là . A part les quelques illustres T.O en France notamment, j’ai l’impression qu’on a tendance à  négliger les autres.

Sur le plan commercial, quelle est votre situation au départ de la Suisse ?

Face à  cette situation exceptionnelle, comme tout le monde, nous avons du réviser un peu nos engagements. Cela ne nous empêche pas cependant de multiplier nos efforts pour récupérer les réservations. Je peux confirmer que durant les deux derniers mois, nous avons tourné à  un tiers des réservations habituelles de janvier et février de l’année dernière et même moins. Nous aurons donc du mal à  remonter. Ceci dit, je crois beaucoup dans le tourisme tunisien et je pense que nous avons suffisamment de ressources et de capacités pour remonter la pente et sauver ce qu’il y a à  sauver de la saison.

Qu’est-ce que vous répondriez à  ceux qui accusent les tour-opérateurs de vouloir faire pression sur les prix en profitant de cette conjoncture exceptionnelle ?

Personnellement, j’ai toujours été contre le dumping et le bradage des prix. La baisse des prix, elle se répercute ensuite sur l’infrastructure, sur l’accueil, sur l’hygiène, sur l’assiette, etc. Paradoxalement, sur le marché suisse, nous avons toujours eu des tarifs plus hauts car ce sont les autres marchés qui ont baissé les tarifs, arguant du fait que le Suisse a un pouvoir d’achat supérieur. Nous avons toujours joué le jeu, en acceptant des tarifs supérieurs, bien qu’un client suisse loge dans une chambre identique à  celle d’un Français et consomme la même chose dans l’hôtel.

Ceci étant, à  situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : nous sommes obligés malheureusement d’agir sur les prix pour redonner l’élan nécessaire. Je ne dis pas qu’il faille tout renégocier dès le départ, mais il faudrait quand même que les hôteliers revoient un peu les tarifs pour une période déterminée, par exemple une petite partie de la moyenne saison. Je ne suis pas d’accord par exemple de brader les prix pour la haute saison. En définitive, je suis foncièrement contre le bradage des prix car ce n’est pas du tout productif et contre professionnel.

Cette crise, nous la partageons aussi avec les Egyptiens qui, eux, s’en donnent actuellement à  cœur joie. Je peux vous donner des documents sur lesquels ils nous ont tout de suite envoyé des – 30 et – 50%. Si l’Egypte fait de telles réductions, comme voulez-vous que l’on dise que la Tunisie n’en fait pas ? Pour être au diapason, il va falloir que l’on révise certaines choses.

Faites-vous partie de ceux qui estiment que la Tunisie doit profiter de la situation actuelle pour révolutionner la manière de faire son tourisme ?

Je suis tout à  fait d’accord avec cela. Il faut saisir cette crise pour opérer un changement fondamental dans notre tourisme et surtout de tirer vers le haut la qualité de nos services car –je le dis sincèrement-, nous ne sommes pas en train de donner le service qu’il faut à  notre clientèle. Chez Sun Marin en France, nous avons commencé à  travailler le voyage responsable, solidaire, environnemental, etc. Ce serait peut-être l’occasion d’explorer cette niche qui a déjà  commencé sur plusieurs destinations. J’ai donné des interviews il y a 5, 10 ans en arrière, en disant que le All Inclusive me fait peur. Ce que je propose, c’est que le ministère du Tourisme suspende, même pour une saison ou deux le All Inclusive, au moins pour tous les 4 et 5 étoiles, pour une période d’essai. C’est une manière de tirer les prestations vers le haut. Laissons les 3 étoiles et les clubs le faire et le suspendre pour les autres sur les saisons 2012 et 2013. Cela permettra aussi de développer l’environnement extérieur pour que le touriste ne soit pas l’otage de l’hôtelier. L’expérience nous donnerait peut-être une meilleure visibilité pour l’avenir.

Pensez-vous que les hôteliers seraient disposés à  assumer le manque à  gagner de cette initiative ?

Nous parlons de tirer le produit vers le haut, donc, nous devons commencer par cela. Je travaille sur Saint Domingue et je fais du All Inclusive. Je suis désolé d’utiliser ce terme, mais cette formule en Tunisie, c’est de la « foutaise », à  part deux ou trois établissements comme les Magic Life. On est en train de se « foutre » de la tête des gens avec notre All Inclusive. C’est aussi lui qui est à  l’origine du manque d’hygiène, d’ordre dans les hôtels etc.

Vous avez lancé sur le marché français Sun Marin qui entame sa deuxième saison. Comment se présentent les choses ?

Sun Marin a été mise en route en février 2010. Nous avons démarré avec la crise mais nous ne perdons pas confiance. Nous venons d’augmenter son capital. Je suis l’actionnaire principal et majoritaire (en tant que personne physique). Cette structure fait office de laboratoire et elle est en train de prendre sa place sur le marché français en tant que voyagiste sous le thème « voyager responsable ». La marque commence à  se faire connaître et nous sommes en train de nous installer petit à  petit. Nous n’avons pas l’intention de venir « embêter » les grands ; ils ont leur place et nous, avons une place à  récupérer. Nous essayons de nous placer comme il le faut.

On a prétendu que vous aviez profité du vide laissé par certaines faillites pour récupérer les parts de marchés. Qu’avez-vous à  dire à  ce sujet ?

Sun Marin a démarré en février 2010 mais il avait été créé et enregistré bien avant que Royal Tour ou Mille et Un Soleils ne se crashent. Ce n’est donc pas vrai puisque c’est une idée que nous avions partagée entre Adel Oueslati, Férid Fetni et moi-même bien avant. Le créneau dans lequel nous nous sommes installés n’a d’ailleurs rien à  voir, et c’est même tout à  fait le contraire. Il est vrai que maintenant, il y a peut-être une place à  prendre pour compenser un vide et nous allons essayer de le faire.

Si vous aviez un message à  passer à  ceux qui décident actuellement du devenir de la Tunisie touristique ?

Je n’ai pas de leçons à  leur donner mais ce que je veux leur dire, c’est que rien ne changera s’ils ne changent pas de par eux-mêmes de l’intérieur. L’administration du Tourisme tunisien est une structure sclérosée et il faudrait un séisme pour qu’elle fasse sa mue. Elle a besoin d’être oxygénée. De plus, elle doit savoir que nous évoluons dans un contexte international et que nous ne pouvons pas définir du jour au lendemain l’image d’un pays à  travers un slogan en anglais qui ne correspond pas à  nos marchés principaux. On aurait du prendre de la hauteur et étudier un message beaucoup plus subtil et subliminal que le « I love Tunisia » qui n’est pas à  la hauteur de la Tunisie nouvelle.

Propos recueillis par
Hédi HAMDI
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