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Mohamed Ali Toumi, président de la FTAV : « les partis politiques n’ont pas tenu leurs promesses à l’égard du secteur touristique »

Mohamed Ali Toumi, président de la FTAV : « les partis politiques n’ont pas tenu leurs promesses à l’égard du secteur touristique »

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[highlight][/highlight]Quand il s’agit de défendre le secteur du tourisme, il est toujours le premier à monter au créneau. Et quand le secteur des agences de voyages est lésé, il sort littéralement ses griffes. En près de 4 ans à la présidence de la Fédération tunisienne des agences de voyages (FTAV), Mohamed Ali Toumi aura réussi à donner un coup de pied non seulement dans la fourmilière des agences de voyages mais également dans la relation régissant l’administration avec la profession.

Avec le secteur hôtelier, il aura réussi à surmonter les divergences de toujours et se rapprocher dans la perspective de créer une confédération syndicale professionnelle de la dimension de l’UTICA par exemple.

Bien que revendiquant la non-appartenance de la FTAV à aucun parti, il ne manque pas de pointer du doigt les politiques  qui continuent à reléguer le tourisme au rang des activités de seconde zone et à réclamer la nomination d’un ministre qui ne soit pas en total déphasage avec la réalité du secteur.

Vous rentrez tout juste du salon Fitur à Madrid. Avec quels sentiments ?

Ce fut une édition différente des autres puisque le stand Tunisie a eu le privilège de recevoir la visite du roi d’Espagne Felipe et de la reine Letizia. Par ailleurs, le stand a été élu Meilleur stand du Fitur 2015. Sinon, comme vous le savez, le marché est en crise depuis 2008 à cause de la crise intérieure, aggravé par la révolution tunisienne. Il y a eu certes une amélioration en 2014 par rapport à 2013 et les prévisions parlent d’une amélioration de 22% en 2015. Pour nous agents de voyages, le marché espagnol est particulièrement important puisqu’il s’agit d’une clientèle de circuits qui vient souvent dans le Sud. Nous avons d’ailleurs enregistré la présence d’une cinquantaine de professionnels tunisiens à ce salon, en nette augmentation par rapport à 2014.

La question de la faiblesse des dessertes aériennes est souvent évoquée sur ce marché. Le sujet a-t-il été débattu ?

Je signale la présence au Fitur de la présidente de Tunisair, ce qui est le signe de l’intérêt que porte la compagnie nationale au marché espagnol. En plus de Tunisair, la compagnie Vueling envisage d’ouvrir une ligne 100% touristique entre Barcelone et Djerba cet été. J’espère qu’elle trouvera le soutien nécessaire auprès des autorités tunisiennes pour concrétiser ce projet.

Quelle était la tendance auprès des T.O que vous avez rencontrés ?

Je dois d’abord reconnaître les efforts de la directrice générale de l’ONTT, Wahida Jaïet, présente tout au long du salon. Ensemble, nous avons tenu plusieurs séances de travail très constructives avec les T.O. Je cite l’exemple de l’un d’entre-eux qui envisage de programmer Djerba en hiver. Je lui ai proposé d’étendre à Tozeur, ce qui ne lui a pas déplu. Toutefois, il n’a pas été possible de s’engager avec lui sur un quelconque soutien à l’aérien en l’absence de ministre du Tourisme. Un T.O qui ne reçoit que des promesses verbales sur le stand Tunisie risque d’aller sur un autre stand comme le Maroc ou la Turquie et se voir offrir des engagements fermes immédiatement, ce qui peut le faire changer d’avis et de destination.

Nous avons également discuté avec un très grand T.O sud-américain qui nous a révélé que la Tunisie avait une très bonne notoriété sur le marché brésilien et qu’il avait l’intention de mettre en place des voyages via le Maroc ou le Portugal. Là encore, personne n’était en mesure de lui fournir des assurances de soutien. Avec nos procédures administratives, il est difficile d’avancer.

Au niveau de la FTAV, quel bilan tirer de l’année 2014 et quelles perspectives pour 2015 ?

J’estime que la FTAV a désormais la place qu’elle mérite dans le paysage touristique tunisien et qu’elle est désormais respectée. Depuis 4 ans, nous avons des principes clairs et des objectifs de valorisation du métier d’agent de voyages. Nous allons d’ailleurs vers une labellisation de la profession.

Nous avons en 2014 organisé plusieurs actions avec la GIZ et l’USAID notamment pour la formation ou encore pour la création d’un projet pilote pour le transport à Djerba. Nous préparons également un portail pour faire connaître les produits du terroir. Donc, notre ambition, c’est de restituer la vraie vocation de l’agent de voyages qui est à la base un architecte du voyage.

Par ailleurs, à chaque fois qu’il y a eu des réunions avec des instances administratives la FTAV a été représentée. Je signale que le projet de création de l’UTMT (Union tunisienne des métiers du tourisme) avec la fédération de l’hôtellerie et celle des restaurants touristiques est sur la bonne voie.

Deux sujets reviennent souvent à l’ordre du jour, celui de l’enveloppe out-going et celui de la Omra. Où en êtes-vous sur ces deux dossiers ?

Pour ce qui est de l’out-going, un conseil inter-ministériel récent nous a accordé une enveloppe de 20 MD pour le premier trimestre 2015. Cependant, on nous a demandé de réaliser une étude conjointe (FTAV, BCT et ministère du Tourisme) afin d’étudier le dossier de la subrogation (qui consiste à utiliser l’allocation touristique des clients qui partent en voyage organisé à l’étranger). Mais étant donné la situation au niveau gouvernemental, nous n’avons pas de vis-à-vis en ce moment.

Pour la Omra, je tiens à balayer d’une main les différentes accusations que portent ça et là certaines personnes dans les médias. Je rappelle qu’en 2014, la saison du petit pèlerinage à la Mecque avait débuté le 23 février. Cette année, elle a débuté le 27 décembre et permis à 6000 pèlerins d’effectuer déjà le voyage.

Par ailleurs, le principe de libéralisation de la Omra que nous avons obtenu a permis de baisser les prix à 1600 et 1700 dinars. Ce n’est pas du bradage comme le soutiennent certains mais une démocratisation de ce type de voyage et surtout à la réduction du nombre d’intermédiaires non agréés qui sévissent dans les mosquées et sur les marchés.

Je souligne que sur le site de la FTAV, il existe un contrat-type (à télécharger) que les pèlerins doivent faire signer par l’agent de voyages qui les emmène aux Lieux saints. Cela engage l’agent de voyages à respecter tous les détails de son offre et permet au client d’avoir un recours le cas échéant.

Combien y a-t-il d’agences de voyages qui exercent actuellement ?

Selon l’ONTT, il y a actuellement 1004 agences de voyages en Tunisie dont 70 sont fermées. Au niveau de la FTAV, nous avons 685 adhérents. Il manque donc environ 250 agences dont nous ne savons rien (et l’ONTT non plus). Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas suffisamment de coordination avec l’administration qui attribue des autorisations pour la création de nouvelles agences de voyages sur la base de cahiers de charges sans que nous n’en soyons informés, sans que nous ne soyons consultés, ce qui n’est pas normal. Le constat est qu’il y a trop d’agences de voyages dans le pays et j’en appelle à un moratoire sur l’attribution des autorisations d’exercice pour le moment.

Récemment, les professionnels et les fédérations ont émis des réserves face à la nomination de Mohsen Hassen au poste de ministre du Tourisme. Quelle était votre position à ce sujet ?

Je dois d’abord souligner que j’ai fait part de mon désaccord sur la nomination de ce ministre uniquement dans une interview que j’ai accordée à l’Economiste Maghrébin. Ni moi en tant que personne, ni la FTAV, sommes responsables de ce qui s’est écrit sur les réseaux sociaux ; il n’y a pas lieu de nous attribuer les propos qui y ont été débités. Ensuite, nous n’avons pas de problème avec Mohsen Hassen en tant que personne, au contraire, nous avons eu un premier entretien téléphonique dès sa nomination.

Je rappelle à ceux qui ne le sauraient peut-être pas qu’avant même les élections législatives, nous avons, avec le président de la FTH, rencontré la plupart des dirigeants des partis politiques pour les sensibiliser à l’importance de nommer une personne qui soit au fait des problématiques touristiques et de ses mécanismes. Partout, nous avons été acceptés, bien accueillis et reçu la promesse de répondre à notre principale doléance. Evidemment, à chaque fois, nous avons plaidé la cause du secteur touristique, de son importance dans l’économie nationale, des problèmes du secteur, etc.etc. La nomination de Mohsen Hassen a été pour nous le signe que les promesses que nous avions reçues n’ont pas été tenues.

On a entendu dire que la nomination d’un professionnel du tourisme au poste de ministre n’était pas envisageable à cause du risque de conflits d’intérêts pouvant survenir.

Ce qui est valable pour le tourisme n’est pas valable pour les autres secteurs !! Encore une fois, cet argument n’a servi que de prétexte pour barrer la route aux potentiels candidats issus de la profession. Si le gouvernement de Habib Essid (version 1) s’était basé sur des compétences politiques uniquement, nous n’aurions pas réagi et respecté les choix arrêtés. Mais ce qui nous a encore une fois touchés, c’est que certains ministères ont eu droit à des technocrates et/ou des personnes du domaine, mais pas le tourisme. Pensez-vous que le premier venu parmi les ministres serait en mesure de traiter du Fodec ou encore de maîtriser dès le départ les enjeux du soutien à l’aérien par exemple ? Le tourisme ne peut pas se permettre une 5e année de crise et d’absence de réformes.

Justement, qu’attendez-vous concrètement du prochain ministre du Tourisme ?

Le bilan d’un ministre se mesure à partir du JORT et du nombre de lois et de décrets qu’il aura réussi à faire passer dans son domaine en vue de l’améliorer et le mettre au goût du jour. J’estime donc que le nouveau détenteur du porte-feuille de ministre du Tourisme devra s’atteler à se pencher sur les lois et les règlementations régissant le secteur. Ensuite, il est nécessaire de redonner confiance aux investisseurs tunisiens et étrangers. De même qu’il faudra procéder à la restructuration du secteur. Enfin, les rapports entre la profession et l’administration devront également être revus et corrigés. Il ne suffit pas que les présidents des fédérations s’entendent bien avec le ministre ou le DG de l’ONTT, il faut aussi que les hôteliers et les agents de voyages aient de bons contacts avec les commissaires régionaux au tourisme par exemple. Chacun devra jouer son rôle dans le cadre d’un partenariat public-privé efficace. Le rôle de l’administration est de faciliter le travail des professionnels et non le contraire. Dernier point : la faiblesse du budget de promotion qui devra être étudié et notamment cette question de timbre de 30 dinars dont le tourisme devrait profiter au moins à 50 ou à 25%.

Propos recueillis par Hédi HAMDI

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